L'histoire :
Un matin, avant que Koji ne parte au travail, sa femme l'interpelle. Elle vient de réceptionner une lettre à son nom, mais elle trouve cela étrange : il n'y a ni timbre, ni expéditeur, ni adresse. Serait-ce une admiratrice secrète ? Koji la rassure, prend la lettre et part au travail. Sous son attitude détendue, il tremble de tous ses membres. Comme s'il redoutait de recevoir cette enveloppe, comme s'il l'attendait... Pendant son trajet, il l'ouvre, et découvre non pas une lettre, mais un simple origami noir, plié en forme de corbeau. Rien que cela. C'est suffisant pour replonger Koji dans ses souvenirs. En plein hiver, alors qu'il était enfant, il avait suivi un corbeau qui l'avait emmené vers le corps d'un enfant étalé dans la neige. Dans la main de cet enfant, il avait aperçu un couteau, qu'il avait récupéré et caché en lieu sûr. Il sentait qu'à partir de ce jour, plus rien ne serait comme avant. Mais il était venu en aide à cet enfant, qu'il avait ramené à l'abri dans la maison. Kiku, une jeune fille un peu plus âgée que Koji, l'avait accueilli et l'avait intégré à la petite famille que constituait ce groupe de quatre enfants. Chacun possédait alors un animal totem. Le petit nouveau, Shin, avait également le sien : un corbeau, signe de mauvais présage. Revenant dans sa réalité, Koji aperçoit une affiche annonçant une nouvelle disparition d'enfant. Il sait qu'une vague de disparitions frappe sa ville et il va devoir affronter son passé...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Koji est adulte et il mène une vie paisible qu'il partage avec sa compagne. Mais un jour, une mystérieuse lettre contenant un origami sous forme de corbeau noir l'oblige à se replonger dans ses souvenirs, dans ses cauchemars. Il va à la fois devoir affronter la dure réalité qui s'impose à lui, tout en renouant avec son passé, et en faisant des liens entre les frontières du temps. Pour ce one-shot, nous retrouvons au scénario l'Atelier Sentô qui avait déjà réalisé les titres La fête des ombres et Onibi. Nous trouvons aussi au dessin Alberto MC, un illustrateur espagnol. Dans ce récit sombre et prenant, l'Atelier Sentô reprend des thématiques qui lui sont chères, et qu'ils ont déjà pu développer dans leurs précédents ouvrages : la culture japonaise et l'inspiration de légendes ou de faits-divers, les frontières entre le réel, l'imaginaire, les souvenirs ainsi qu'entre les espaces-temps. Ce thriller onirique aborde des faits réels qui se sont déroulés au Japon, et qui conservent une grande part de noirceur : les disparitions d'enfants. En nous embarquant dans une histoire entremêlant étroitement les cauchemars, les souvenirs d'enfance et le présent de Koji, nous perdons nos repères, nous essayons de démêler le réel de l'irréel. Finalement, la beauté de cette lecture réside dans la part de mystère qui entoure l'album, la pointe d'incompréhension qui fait le charme du scénario. Car ce flou qui persiste n'entrave pas le dynamisme de l'histoire ni l'envie de continuer à tourner les pages, bien au contraire : il agit sur nous comme un aimant, nous attise. La noirceur du scénario est contrebalancée par la douceur des illustrations à l'aquarelle, dans des tons pastel rappelant l'univers de l'enfance, de l'insouciance. Pourtant, la tension est de mise du début à la fin, certaines scènes sont marquantes, et les faits interpellent. Une lecture qui ne laisse pas indifférent.
