L'histoire :
Automne 1092. Le sultan turc Malik Shah, digne représentant de la dynastie des Seldjoukides, règne sur l’Iran. L’homme peut compter sur l’abnégation de Nizam Al-Mulk, le vénérable Grand Vizir, sorte de premier ministre en poste depuis prés de 30 ans… Cependant, dans la plaine, un cavalier approche. Porteur d’un message confidentiel, il souhaite s’entretenir avec le Grand Vizir en personne. Mais à peine s’est il approché de son interlocuteur qu’il le poignarde violemment, avant d’voir lui-même la tête tranchée, dans un sourire béat. Tout laisse à penser que ce vil assassinat est l’œuvre d’un malheureux endoctriné par la secte des assassins, dont Hassan Ibn Sabbah est le chef. Au moyen d’actions radicales, l’homme souhaite rétablir l’hégémonie de l’islam chiite (religion clandestine). En toute logique le pouvoir en place est le premier visé. La nouvelle de la disparition du ministre affecte un homme en particulier : Omar Khayyam, l’astrologue officiel de la cour du sultan qui jouissait jusqu’alors d’une protection sans faille de Nizam. Les obsèques sont une occasion d’être rassuré : le calife lui renouvelle sa confiance malgré le peu d’efforts entrepris pour se rendre à la mosquée ou pour flatter le sultan. Le mathématicien jouit d’un tel prestige au-delà de l’empire que le calife en récolte les fruits : pas question de se séparer d’un homme si brillant. Néanmoins, notre libre penseur à quelques soucis à se faire. Certains le considèrent comme un hérétique et les jours du calife sont comptés : Ibn Sabbah est en train de gagner la partie. Pour assoir sa victoire, il invite Omar, son ami de jeunesse à se mettre sous sa protection.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Grace à cette luxueuse réédition (l'album était initialement paru en 2009), on re-plonge dans cette première œuvre de Jean Dytar avec un double plaisir : celui, enfantin, à s’immerger dans un univers enturbanné où les épées se courbent, où les tapis épais invitent à s’envoler, et celui à savourer un graphisme original qui emprunte les codes des illustrations orientales d’époques. Les 100 pages de ce sympathique album nous proposent d’accompagner Omar Khayyam, un savant perse multicarte du 11e siècle qui a réellement existé. S’appuyant sur le peu de documentations existantes concernant ce mathématicien célèbre du moyen âge, Jean Dytar brode un récit qui oscille entre histoire et légende. L’occasion est belle pour donner un coup de projecteur sur la difficile stabilité du pouvoir politique en orient, apparemment chahutée, elle aussi, par des antagonismes religieux. Au-delà, c’est aussi le récit mouvementé d’un moment clef de la vie de notre scientifique, à l’œil malicieux et à l’insatiable libido, qui nous est proposé : ses doutes, ses propres antagonismes et cette pirouette du destin qui fait de son ancien ami son potentiel meurtrier. Bref, une bien belle réflexion sur l’homme et ses contradictions. Le dessin original, qui se joue de la perspective à la manière des enluminures orientales du moyen âge à laquelle s’ajoute une surprenante mobilité des visages, emballe ce cadeau de la plus belle façon. Sil ne fallait retenir qu’un qualificatif, ce serait celui de l’originalité. Une terminologie convenant, d’ailleurs, parfaitement aux ouvrages de cette judicieuse collection (Mirages/Delcourt).
