L'histoire :
En 1910, deux fourgons militaires débarquent dans une petite mission évangélique, en plein bush australien. L’officier annonce au pasteur que l’ordre a été donné d’arracher les enfants aux parents, afin de les « civiliser » dans des familles blanches et des écoles industrielles. Les quelques aborigènes qui tentent de résister sont abattus. Le père de Thomas Freeman, un adolescent, meurt ainsi dans ses bras, juste après lui avoir transmis quelques secrets telluriques. 5 ans plus tard, Freeman est soldat d’infanterie au sein de la jeune armée australienne, engagée aux côtés des britanniques dans la première guerre mondiale. Le plan de Winston Churchill est alors d’ouvrir un nouveau front contre l’ennemi Turque sur la péninsule de Gallipoli, dans les Dardanelles. Le débarquement massif du 10ème bataillon australien a lieu à Gaba Tepe et l’objectif est de marcher ensuite droit vers le détroit. Les mentalités sont alors très colonialistes ; les gradés considèrent encore les « nègres » comme de la chair à canon. Freeman est donc désigné pour prendre place dans le premier canot. Patriote et courageux, le lieutenant-colonel Stucker l’accompagne en première ligne, fusil à baïonnette en main. Le débarquement se déroule sous un feu nourri…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne s’engage pas à la légère dans un récit de guerre. La barbarie et l’absurdité auxquelles on s’attend à être confronté, participent pourtant d’une étape de Mémoire essentielle. De fait, l’identification aux héros relève d’une réelle démarche intellectuelle : il faut accepter de monter au front sous une pluie de balles, de recevoir les morceaux de cervelle de ses camarades et de devenir un « tueur en série », le temps de 46 planches. Puis on se hâte de se remettre dans sa confortable peau de lecteur, en conservant un peu de la Mémoire de cette terrible expérience, avec un étrange mais réel respect pour ces héros de papier. Cette nouvelle trilogie annoncée, qui s’intéresse à la bataille des Dardanelles en 1915 aux côtés de combattants australiens déracinés, remplit à la perfection sa fonction. Ce premier tome du Temps du rêve – un titre qui parait ô combien cynique, une fois l’album refermé – est idéalement rythmé pour nous emporter, ponctué de suffisamment d’atrocités pour nous faire frissonner… et réfléchir. Professeur d’Histoire de métier, Stéphane Antoni livre ici son tout premier scénario de BD… Chapeau ! Il focalise précisément, et sans en faire de trop, sur l’engagement authentique des australiens (dont des aborigènes) aux côtés des forces alliées sur cette péninsule de Gallipoli, bien loin de leurs racines. Précisément documenté, la bande dessinée de cette bataille est donc également parfaitement didactique. On apprend entre autre que l’un des colonels de l’armée ottomane s’appelait Mustapha Kemal (futur Président de Turquie) et que côté britannique, un certain Winston Churchill était déjà aux manœuvres (alors Premier Lord de l’Amirauté). Au-delà de l’éclairage pédagogique, on vit aussi les évènements à travers la lecture ésotérique que fait le jeune héros du monde. Ce point de vue permet de conserver une part d’humanité indispensable (et d’accorder tout son sens au titre). Professeur d’arts appliqués, Olivier Ormière livre quant à lui un dessin réaliste précis et besogné (au sens honorable du terme). Des mouvements de troupes, aux faciès expressifs des personnages empruntés à des proches, rien n’est laissé au hasard. La dernière planche se terminant sur un retrait des troupes, nous poursuivrons au deuxième tome l’histoire de ces engagés australiens sur un autre front…