L'histoire :
Marco et Gégé sont en rendez-vous dans le bureau de leur rédac-chef, le grand Franky Baloney, pour lui présenter leur nouveau projet de super BD. Ce dernier leur présente plutôt la courbe de vente de leurs derniers bouquins, en chute libre. Il les met aussitôt sur la voie d’un nouveau genre porteur en matière de bande dessinée : le reportage. Il leur propose de se reconvertir et les envoie au guichet de Pôle Emploi. Dépités, les deux compères réfléchissent à leur nouvelle condition autour d’une bonne bière, rien de tel pour trouver une bonne idée. Marco prend les devants : ils vont profiter d’un an d’indemnité chômage pour partir au Laos. En effet, son étude de marché lui indique que jusqu’à présent, ce pays n’a été foulé par aucun confrère. Il s’agit donc d’une terre vierge de tout témoignage BD, il leur reste juste à se laisser porter par l’aventure. La jungle, le Mékong, les éléphants, les pirogues… D’ailleurs, Marco n’a pas laissé le choix à Gégé : il a déjà acheté les billets. Les jours suivants, ils embarquent à l’aéroport – une phase un peu compliquée car au moment de la fouille, Marco a un coupe-ongle sur lui. Puis dans l’avion, pour tuer le temps, ils se remplissent les artères de cognac. Après une escale à Bangkok, les voilà à Vientiane, capitale du pays et première étape d’une aventure improbable…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne sait pas vraiment si Marc Pichelin (alias Marco) et Guillaume Guerse (Alias Gégé) ont vraiment voyagé au Laos pour les besoins de cette parodie de BD-reportage… et à vrai dire, on s’en fiche un peu. Le principal, c’est qu’ils livrent là une aventure aussi imprévisible que vaste (110 pages), qui se sert autant des codes du genre qu’elle s’en moque. Les co-auteurs se mettent initialement en scène sous la forme de l’autofiction, avec la désinvolture qui fait le sel ordinaire des Requins Marteaux, la maison d’édition dont ils sont issus. Or voilà : la « marque » Delcourt nous promet cette fois un dépassement au je-m’en-foutisme de registre. Et effectivement, nos deux compères se mettent certes régulièrement en scène en train de s’enfiler des bières et de s’auto-contenter des moments contemplatifs de leur périple (la running-réplique « On, est bien là, hein ! »), mais ils se retrouvent aussi et surtout embarqués dans une aventure folle et foutraque. Cela se déclenche d’une couillonnerie : ils achètent un canard promis au billot et le baptisent judicieusement Milou. Or Milou n’est pas n’importe quel canard. Et si on ne vous dira pas pourquoi, ils le découvrent, eux, à mesure qu’ils s’embarquent dans une chasse-au-trésor-course-poursuite-récit-de-voyage. Il y a quelques méchants, beaucoup de glandus (le running-gag Jean-Mitch) et en tâche de fond, une réelle découverte touristique et sociologique du pays. Tout comme le scénar fait semblant de ne pas être sérieux, le dessin caricatural parait simple… mais il se transcende par moment, à travers une profondeur de champs exotique ou un découpage épatant (dans les ruines du temple p.75). Ça n’est jamais totalement hilarant, mais on ressort de cette lecture en ayant fait un voyage inattendu et enrichissant, en paysages, en rencontres et en blagounettes. Et on jure de ne plus jamais manger de canard laqué.