L'histoire :
7 et 8 février 2007, Joann Sfar redevient dessinateur de Charlie pour suivre le procès des caricatures de Mahomet. Il n’est ni journaliste, ni dessinateur de presse. Il voudrait prendre des notes d’auteur de bandes-dessinées : rendre compte de l’intégralité des débats, ne pas aller à l’essentiel. Il a l’impression que l’usage du « carnet de bandes dessinées » permettra de faire sentir ce que c’est un procès, avec ses longueurs, les redites, les idées graves exprimées dans des moments parfois grotesques. Fils d’avocat, il a eu la chance de fréquenter très tôt les prétoires. Il croit que c’est instructif de raconter un procès du début à la fin. Pour cette histoire de caricatures, Philippe Val a choisi de convoquer de grands penseurs. Il veut un débat philosophique pour rappeler une énième fois les règles de notre agora démocratique. Il a l’impression que l’énoncé de certains fondamentaux justifie un compte-rendu exhaustif.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
10 ans après les attentats terroristes contre le journal satirique Charlie Hebdo, les éditions Delcourt rééditent le 6ème Carnet de Joann Sfar (18 sont parus à ce jour). Greffier a été initialement publié en 2007. Ce n’est pas un carnet comme les autres où l’auteur à l’habitude de livrer ses réflexions personnelles sur la société, la religion, d’évoquer sa vie son œuvre. Dans ce carnet, Joann Sfar retranscrit les débats du procès intenté à Charlie Hebdo après les publications des caricatures danoises de Mahomet. Sitôt leur parution en France, une plainte avait été déposée par différentes associations islamistes comme l’UOIF ainsi que par le recteur de la mosquée de Paris, Dadil Boubakeur. Si le débat qu’ont suscité ces dessins dans la société n’avait pas sa place devant un tribunal, le travail de Joann Sfar est particulièrement intéressant et instructif. Avec cette retranscription sur le vif, on mesure toute l’éloquence dont ont fait preuve les avocats de la défense ou encore celle des témoins comme François Hollande, François Bayrou, Caroline Fourest pour défendre la liberté d’expression, le droit au blasphème et faire entendre que Charlie ne stigmatisait pas les musulmans mais les intégristes. Certaines démonstrations de la défense sont brillantes. Celles des parties civiles sont beaucoup plus friables, voir affligeantes selon la restitution faite par Joann Sfar qui n’a certainement pas été totalement impartial à leur égard. La seconde partie de cet ouvrage est un registre totalement différent et moins fascinant, car c’est une compilation de chroniques que le dessinateur a réalisées aux cotés de Charlie Hebdo. L’exercice du dessin en direct et de la prise de notes simultanée ne permet pas à Joann Sfar de soigner l’esthétique : il y en a dans tous les sens, c’est souvent brouillon, raturé et le dessin est réduit à sa plus simple expression, même si certains protagonistes sont identifiables. Un effort sur les textes manuscrits aurait été des plus appréciables pour faciliter leur lecture.