L'histoire :
Tohar est née en plein été, dans une colonie en Cisjordanie. Alors qu'elle pointait le bout de son nez, sa grand-mère maternelle souffrait d'un cancer à un stade avancé. Mais sa venue au monde a fait des heureux, a apporté à la famille un grand bonheur. Tahar intègre donc en tant que petite dernière, une famille de six enfants, où la religion a une place prépondérante. Elle se souvient que, petite, la maison était pleine de bruit, agitée par toute cette vie. Et à certains moments, elle se retrouvait complètement seule, livrée à elle-même, face à un silence de plomb dans une maison vide. Un jour, alors qu'elle n'avait que 9 ans et qu'elle était seule chez elle, elle entendit le son d'une alarme : elle savait parfaitement ce que c'était. Une menace d'attaque terroriste. Terrifiée, elle ne pensait qu'à une chose : retrouver la chaleur et l'apaisement des câlins de sa maman. Celle-ci l'appela d'ailleurs très rapidement pour l'informer que c'était une fausse alerte, et lui dit de ne pas s'inquiéter. Tohar décide de s'intéresser à ces moments de vie, ces instants qui l'ont marquée depuis toute petite, qui l'ont façonnée. Plus elle grandissait, plus elle s'affirmait, décidant de la personne qu'elle souhaitait devenir. Allant à l'encontre des règles et des diktats imposés par la société, par sa famille, par sa religion. Réalisant des rencontres de quelques jours, et des rencontres de toujours.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tohar Sherman-Friedman est une artiste complète. Elle a décidé de se lancer dans l'écriture de cette bande dessinée en plein confinement. Dans un moment historique, où les liens sociaux se distendent, où la peur prend de l'ampleur, elle décide de se concentrer sur son monde intérieur, sur son parcours personnel à travers le neuvième art. Elle nous livre un récit très intimiste, particulièrement juste, et revient sur des passages de sa vie, à différentes époques. Des moments marquants qui l'ont façonnée. Elle évoque la place de la religion dans sa famille, un fardeau trop lourd à porter pour elle, un poids dont elle veut se délivrer. Mais prendre de la distance avec ce quotidien ne sera pas aisé pour elle et son entourage. Elle évoque ses propres réflexions, ses pensées qui ne vont pas dans le sens de ce qu'on lui a appris. Enfance, adolescence, vie d'adulte : elle scrute les moments charnières, qui ont soulevé des problématiques dans sa vie, qui l'ont poussée à s'affirmer. On suit son cheminement, on partage ses difficultés, ses interrogations sur sa place en société, dans sa famille, son regard sur son corps, sa volonté d'émancipation et d'indépendance. En parallèle, on ressent aussi le poids de tout un système de pensée, peu enclin à s'ouvrir à d'autres horizons. Le dessin aux couleurs tranchées fonctionne très bien avec le texte, et le découpage en chapitres permet une lecture fluidifiée.