L'histoire :
Karl travaille pour un éléphant du CAC 40, la bien nommée Megacorp. Mais les bénéfices de l'entreprise sont actuellement en chute libre, la faute à un coût du travail beaucoup trop élevé et peu compétitif face à celui pratiqué en Asie. Résultat : la direction a été délocalisée en Chine, le chef a été remercié et le nouveau patron parle mandarin, en plus d'être un téléphone. Peu rentable à l'entreprise, Karl est affublé d'Isaac, un nouvel employé qui devra l'aider à être plus efficace. Sauf que c'est un robot et que sa mission sera de remplacer le pauvre Karl, un peu décontenancé au moment de l'apprendre. Isaac est une machine, a priori sans intériorité et dépourvue de sentiments... sauf quand ça l'arrange, évidemment. Et puis Karl le trouve insupportable : il travaille trois fois plus que tout le monde et ne se plaint jamais. Arghhh, c'est énervant. Quant au frère de Karl, Hans, il galère pour se trouver une copine régulière. Son frère lui conseille alors les sites de rencontres sur Internet : pratique et utile, la toile permet l'anonymat et le camouflage momentané : aucune fille ne verra que Hans est petit et moche... Bienvenue dans le monde cruel, drôle et sans pitié des frères Zimmer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Largement inspiré d’une expérience personnelle, Les Frères Zimmer est le résultat fantasmé d’un stage effectué par l’auteur chez un grand de la téléphonie française. Une chose est sûre, ça sent le vécu. Jérémy Mahot nous introduit dans le monde aliénant de la grande entreprise, univers dans lequel les travailleurs sont sacrifiés sur l’autel du grand capital et de la rentabilité. Conséquences : chômage, délocalisations, désespérance... Sympa, non ? Mais plutôt que de nous servir un brûlot anticapitaliste qui aurait été agaçant, l’auteur préfère jouer la carte de l’humour potache et absurde, mettant face à face une réalité financière cruelle et des personnages cyniques ou naïfs, mais toujours drôles. Logiquement, le graphisme offert est minimaliste, métaphore à peine déguisée de la violence et de l'absence des rapports sociaux au sein de l’entreprise. Un contrepied malin aux couleurs chaudes qui viennent rappeler qu'on doit surtout rire à la lecture de la BD. Mahot nous dépeint un monde froid, implacable et finalement sans pitié, peuplé de personnages qui sont en fait des formes géométriques déshumanisées ou des robots (presque) insensibles. Hors de l’entreprise, il est aussi question des psys, de l’art ou de la solitude névrotique de la jeunesse, et de son besoin désespéré d’être aimée. Évitant caricature et vulgarité, installant une ambiance à la fois drôle et féroce, l’auteur s’en sort plutôt pas mal en parvenant à nous tenir en haleine sans jamais vraiment baisser de rythme. C’est souvent bien vu, les gags sont courts et efficaces, même si l’on peut regretter parfois des chutes un tantinet prévisibles. Avec sa drôlerie, son visuel à la South Park et sa variété de sketchs, l’opus remplit son contrat, celui de nous amuser. Une chronique sociale astucieuse et critique, pour un ensemble de bonne tenue.