L'histoire :
Des artistes sculpteurs sur glace rivalisent de talent et d’inspiration lors d’un grand festival des arts de la neige et de la glace, en Chine. Parmi eux, Dong Yang ne ménage pas sa peine. Il passe des heures à sculpter des œuvres monumentales, de plus en plus conceptuelles, considérant qu’il n’y a rien de plus fort que l’art sur l’échelle de l’humanité. Soudain, une boule scintillante déchire le ciel et met en panique les visiteurs du festival. Une sorte de grosse comète de glace effervescente se positionne en lévitation au-dessus de Dong Yang et se présente à lui. Il est un extraterrestre issu de la matière noire de l’univers. Il est un artiste du froid extrême et il a une démarche artistique absolue, proche de la sienne. Cette créature voue tout bonnement son existence à la sculpture sur glace ! Elle trouve médiocres toutes les représentations réalistes du festival, mais reconnaît un intérêt dans les sculptures conceptuelles produites par Dong Yang. Elle le considère donc comme un confrère. A ce titre, elle ne s’adresse qu’à lui et n’accepte de parler que d’Art avec un grand A. Elle expose son projet pour la Terre : réduire toute l’eau qui se trouve à la surface de la planète en blocs de glace géants et en faire une gigantesque frise artistique en orbite. Les autorités humaines sont sidérées par la radicalité de ce projet d’assèchement apocalyptique. Elles s’interrogent sur la solution à apporter : attaquer et détruire l’alien, ou bien tenter de négocier ? Dans un premier temps, elles recrutent et envoient Dong Yang parlementer avec la chose, afin de la réfréner dans sa démarche…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce nouveau Futur de l’écrivain chinois Liu Cixin nous invite à une double réflexion. Primo, il est question de la place de l’art dans l’humanité. Faire de l’art est-il le nec plus ultra d’une civilisation ? Lorsque le sculpteur humain interroge la créature extraterrestre qui pille l’eau de la Terre, en lui opposant une problématique de survie, l’alien souligne son immaturité civilisationnelle. La trace de l’art dans l’univers est tout ce qui importe, par delà la survivance des espèces qui la créent. Avouez que vous ne vous étiez jamais projeté dans un tel paradigme déniant la vie ! On reconnaît bien la capacité de Liu Cixin à surpasser la science-fiction classique et à interroger la métaphysique… mais aussi la politique. Car l’alien considère la survie, la science et l’individualisme comme des concepts infantiles. « En évoluant, on ne devient plus qu’un ». On peut aussi traduire de cette approche les différences fondamentales d’organisation sociale entre l’occident et la Chine. Le second sujet est d’ordre écologique : il est question de la valeur de l’eau, de son besoin vital en nombre pour l’équilibre biologique sur Terre. Un slogan actuel interpelle : « Des millions de personnes boivent de l’eau avec laquelle vous ne laveriez pas votre voiture »… alors imaginez la survie sur une Terre aride qui aurait perdu 95% de ses ressources d’eau. Le scénario de cette aventure plus proche de la parabole que de la SF réaliste est adapté par l’argentin Rodolfo Santullò. Cixin néglige en effet quelques dimensions secondaires de son histoire en recourant à des facilités (la technique pour tenter de rapatrier l’eau en orbite parait pour le moins improbable). Le dessinateur uruguayen Jok met en images cette aventure à l’aise d’un style semi-réaliste légèrement tremblotant (notamment sur les personnages humains), mais parfaitement inventif s’agissant de décrire la créature et la réalisation spectaculaire de ses œuvres.