L'histoire :
Descendue quelques minutes plus tôt du train en provenance de Quimper, Klervi doit aller rencontrer ses nouveaux maîtres. En s'approchant de la place de la Bastille, elle n'imagine pas se trouver au milieu d'une foule immense, drapeaux rouges au dessus des cortèges. On enterre Jules Vallès, héros de la commune, plus de quinze ans après la fin de l'épisode révolutionnaire parisien. Prise à parti par des passants qui la soupçonnent de représenter les anti-révolutionnaires, très mal à l'aise avec la langue française, la bretonne est sauvée par Clara qui traverse la foule. Le dialogue s'installe avec cette jeune femme un peu perdue, qu'elle va accompagner à la rencontre d'une famille bourgeoise, lettre de recommandation en main. Plus de soixante ans plus tard, la vieille dame se rappelle de ses premiers pas dans la capitale. Elle n'imaginait pas, ce jour-là, que sa vie allait prendre un tour aussi inattendu. Elle va à nouveau croiser Clara dans les allées d'un cimetière trois ans après leur première rencontre. La fragile bretonne en tenue traditionnelle aura bien changé. Elle tient tête, ce soir-là, à un homme qui la menace d'un couteau...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nouvelle avancée dans l'Histoire pour les Passagers du vent, qui nous projettent désormais plus d'une décennie après la fin de la commune de Paris. L'enterrement de Jules Vallès est l'occasion d'une grande manifestation où se retrouvent les représentants des tendances révolutionnaires dont il était un des fers de lance. Clara est toujours présente, et sa rencontre fortuite avec une jeune femme bretonne qui ne parle pas français va constituer le cœur de ce nouveau développement en deux tomes. Une rencontre entre deux femmes de caractère, sur un fond historique très dense. Bourgeon plonge littéralement dans l'époque. Il propose des décors incroyablement soignés et des atmosphères portées par une formidable maîtrise des couleurs. Les enjeux politiques et sociaux sont omniprésents, avec un souci de réalisme de chaque instant. La jeune Klervi parle en langue bretonne et il faut aller en fin d'album pour comprendre ce qu'elle dit, ce qui, cela dit, ne facilite pas l'immersion du lecteur-spectateur. Il est d'ailleurs préférable de les ignorer totalement à la première lecture et de se laisser porter par cette langue inconnue. Graphiquement, l'auteur poursuit le chemin qui le mène souvent aux frontières de la peinture réaliste, avec certaines pages figées dans l'époque comme les tableaux d'un musée. Totalement libre dans son propos, il se situe désormais bien au-delà de la popularité de sa saga bientôt quadragénaire, et déroule son travail d'artiste sans concession particulière. Son style s'enrichit visiblement de chaque nouvelle expérience, sans perdre sa patte d'origine. La collaboration avec Claude Lacroix sur le Cycle de Cyann semble lui avoir apporté un goût du détail supplémentaire, une sorte de pointillisme qui n'était pas présent à ses tout-débuts. Le résultat est un travail très exigeant, un album long et riche qui demande une vraie concentration. Mais également un moment de dépaysement total, comme chaque album de cet auteur depuis La Fille sous la Dunette.