L'histoire :
Un petit rien ça peut naître dans un avion. Lorsque pour la première fois, par exemple, on assiste au décollage depuis la dérive de l’appareil. Mais quelle idée d’avoir collé une caméra à cet endroit pour donner l’impression au voyageur qu’il navigue en si mauvaise posture ? A moins qu’un insecte vicieux ne se balade sur l’objectif de la caméra pour offrir un savoureux suspens et un nouveaux petit rien. Un petit rien ça peut aussi arriver au restaurant, lorsqu’on s’amuse à déduire combien de clients ont léché la même assiette avant nous, en observant l’usure du logo du restaurateur imprimé sur l’assiette. Bref, le petit rien ça arrive n’importe où : à New York, Dubaï, Buenos Aires, Marignane, Montpellier, Montréal ou Rio. Ça arrive n’importe quand. Et surtout, ça arrive quand on est bien décidé à rester un gamin à tout jamais.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour comprendre le concept des Petits riens savoureusement maniés – pour la 6éme fois – par Lewis Trondheim, il suffit d’expliquer le titre de ce nouvel opus. Trondheim se balade sur un pont de Brooklyn bâché de plastoc pour travaux. Il s’aperçoit qu’un crétin a écrit son nom, l’année, sur la bâche, visant ainsi sans doute Deux mois ou trois mois d’éternité… voire moins en cas de pluie. Ainsi, d’un fait anodin – le donc fameux petit rien – notre génial narrateur met son (notre) quotidien en perspective sous un angle tantôt philosophique, tantôt cynique, tantôt introspectif. En tout cas, toujours frappé d’un sens aiguisé de l’observation et maniant l’autodérision comme peu parviennent à le faire aussi brillamment. Petites chroniques du quotidien, d’abord relayées sur le blog éponyme, ces pas-grands-choses partagent tout : les voyages exotiques ou non, la vie professionnelle, les petits bobos, la vie de famille, les phobies ou la nostalgie. Le tout rythmé par des propensions éminemment humoristiques et guidé par l’idée qu’il n’est pas nécessaire d’être héroïque pour ajouter sa pierre à l’édifice et être finalement plus intéressant qu’on pourrait l’imaginer. Car finalement, ce qui accroche dans l’exercice, ne tient pas dans l’attrait voyeuriste de tutoyer la vie d’un multi-primé de la BD. Mais plutôt de le laisser nous parler de nous. Car si au final, cette fois ci, on respirera l’air de Buenos Aires, de Dubaï ou d’Ipanema à travers ses jolis dessins ; si au final, on ne passera jamais une assiette à la cantine à Uderzo ; au final, nous aussi on est pas certain qu’elle s’éteint, la lumière, dans le frigo ; au final, on en bave pour plaquer des accords impossibles sur le manche d’une guitare ; au final, on se marre à plus de 40 ans en éclatant le carton d’un paquet de clopes sur son genou ; et au final, on aime tout simplement regarder les flocons de neige tomber. Bref, on partage l’humanité et l’universalité des petits riens qui font tout.