L'histoire :
En l'an 1144, Louis VII, roi de France, s'est enfermé dans une pénitence qui semble sans fin. La perfide et sublime Alienor d'Aquitaine, son épouse, désespère quant à elle de donner un héritier au royaume de France. Elle suppute que Dieu lui fait payer les décisions capricieuses qu'elle a imposées au roi et qui se sont avérées catastrophiques : le siège raté de Toulouse, le massacre de Vitry-en-Perthois, la défiance de l'autorité du Pape. Aussi, contacte t-elle l'évêque de Saint-Denis, Suger, son ennemi de jadis, dans une démarche de repentir. Elle consent qu'il redevienne conseiller du roi, à condition qu'elle obtienne audience auprès du dévot Bernard de Clairvaux. Lors de l'entrevue entre Aliénor et Bernard de Clairvaux, l'influent évêque est convaincu par la repentance d'Alienor. Il parvient à faire lever l'excommunication papale et à rendre la confiance de l'Eglise dans le couple royale. Le Ciel semble entendre Alienor : elle tombe enceinte et met au monde, en 1145, une petite fille, baptisée Marie. Toutefois, le Saint Père s'inquiète aussi des récentes victoires de Zengi, gouverneur d'Alep et de Mossoul, en Terre Sainte. Il craint que le prochain objectif des troupes musulmanes ne soit Antioche, la ville alors gouvernée par Raymond de Poitiers, l'oncle d'Alienor. Les craintes du Pape incitent Louis à lancer une nouvelle croisade, en signe de foi. Or la récente maternité d'Alienor ne l'empêche pas de renouer avec ses décisions à l'emporte-pièce : elle aussi sera de la croisade, avec toute sa suite et ses gens. Tout autant ébloui par la beauté que par l'absurdité de cet engagement, le chevalier Vicenze – amant occasionnel d'Alienor – renonce même à son retour en Italie pour la suivre : il s'engage au sein des troupes royales. Pourtant, c'est bien Louis VII qui prendra la mauvaise décision de voyager par voie terrestre, « aidé » par l'empereur de Byzance...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre vulgarisation historique et thriller psychologico-géopolitique, les deux premiers opus de cette série nous ont fait découvrir la personnalité forte et méconnue d'une reine à l'origine de grands troubles dans le royaume de France, Alienor d'Aquitaine. Après avoir fait le ménage dans l'entourage de Louis VII, cette salope magnifique a manipulé son époux pour qu'il fasse le siège de Toulouse – une grossière erreur – et massacre les habitants de Vitry-en-Perthois, pour refuser l'autonomie de leur commune – une tragique erreur. Ce troisième opus reprend en l'an 1144, sur un ton plus sage pour cette perverse narcissique capricieuse. Elle reconnaît ses erreurs auprès de l'Eglise et y gagne une grossesse particulièrement souhaitée (sacrée coïncidence ou coïncidence sacrée ?). Mais ne vous y fiez pas : son naturel revient ensuite au galop, au moment où ce troisième opus invite son lecteur à partir en croisade. Ce faisant, les scénaristes Arnaud Delalande et Simona Mogavino focalisent impeccablement sur deux aspects intéressants d'une telle entreprise : la logistique et le choix du trajet. Toujours dialogués avec soin (et densité), ces axes narratifs profitent clairement du talent graphique de l'italien Carlos Gomez. De près ou de loin, sur les expressions faciales des personnages ou les vues d'ensemble, ses encrages réalistes demeurent de haut vol et très détaillés : mouvements de troupes, fureur des combats, armoiries, robes et armures ciselés... S'il n'y avait quelques traits caricaturaux et une romance accentuée, on s'y croirait !