L'histoire :
Le 29 mai 1328, Philippe de Valois est sacré roi de France, suite à la mort sans descendance mâle des trois fils de Philippe Le Bel. À ses côtés, Jeanne de Bourgogne, dite « la boiteuse », accède enfin à la couronne. Aussitôt sacré, le roi s’en va reconquérir le comté de Flandres, afin d’y placer à sa tête son fidèle Louis de Nevers. La victoire à la bataille de Cassel fut totale, de bon augure pour le nouveau roi. Pour autant, le roi d’Angleterre, Edouard III, petit-fils de Philippe Le Bel, conditionné par sa mère Isabelle de France, refuse l’hommage au roi pour ses terres continentales. C’est donc au flamboyant Robert d’Artois qu’est confiée la mission de faire entendre raison au monarque anglais, ce dernier en profitant pour assoir sa notoriété auprès de Philippe et de revendiquer, encore et toujours, sa prétention sur son domaine d’Artois, usurpé à ses dires par sa tante Mahaut. De plus, et malgré la disparition de la lignée des Capétiens directs, le malheur semble resté sur le royaume, avec la mort en couche du 3ème enfant royal. Et si la reine elle-même était marqué du sceau du malin ? Car son soutien à Robert semble payer dans un premier temps, avec la mort subite de Mahaut, suivie de celle de sa fille Jeanny. Alors, le roi Philippe lui-même décide de statuer définitivement sur l’Artois et d’écouter les requêtes de chacun. Mal inspiré, sur les conseils de sa femme, Jeanne de Valois et de Jeanne De Divion, Robert d’Artois présente de faux documents sur ses droits héréditaires, en toute connaissance de cause. Il se retrouve démasqué après les aveux de la Divion, alors que la reine possède les véritables documents qui auraient pu éviter le procès. Mais l’amitié, mêlée d’amour, qu’elle porte au beau chevalier, trouve ses limites dans les risques encourus par la puissance que ce dernier pourrait obtenir sur le royaume. Alors elle se tait. Et Robert, plutôt que de se voir condamné et humilié, sa femme et demi-sœur du roi jetée en prison, préfère s’enfuir pour l’Angleterre sous la protection d’Edouard. Lorsque Marie, la fille du couple royal, meurt en bas âge et que le dauphin Jean tombe gravement malade, il est temps pour la reine Jeanne d’accepter de pactiser avec le diable pour la guérison de l’adolescent, contre la ruine du royaume. Ce sera bientôt chose faite quand Edouard, sur l’insistance de Robert, revendique le trône de France, engendrant alors un terrible conflit entre les deux royaumes. Philippe confie alors la lieutenance du royaume à Jeanne, enfin au sommet de sa toute-puissance.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tiré de la « légende noire » de Jeanne la boiteuse, ce troisième et dernier opus de la série n’en finit jamais de nous offrir une reine particulièrement manipulatrice et habile dans ses intrigues. Plongez de plein pied dans l’épisode particulièrement douloureux des « rois maudits », qui vit la fin des héritiers Capétiens directs, et l’accession au trône de la branche des Valois. Jeanne dut travailler dur pour se faire sa place et revendiquer son titre de reine, malgré son claudiquant physique. Marquée dans sa chair dès l’enfance, elle en tient rigueur à tous et à toutes, préférant manigancer à son aise au gré de ses amitiés et surtout de son bon vouloir. Et si elle reste éprise de son bon roi Philippe, elle ne manque pas d’intriguer dans son dos, en faveur de sa famille et pour la postérité du royaume. En s’inspirant directement de la biographie de Jeanne de Bourgogne, la scénariste Franche Richemond nous offre également une excellente dose de fiction, que ne renieraient pas les meilleures séries médiévales. On y découvre une reine manipulatrice, espionne, voire meurtrière et encline à pactiser avec le démon, aux côtés d’un roi très politique et juste, devant régler les affaires d’un royaume particulièrement affaibli par les crises de successions successives. Quant à Robert d’Artois, nous le retrouvons aussi flamboyant que dans la série des Rois maudits de Maurice Druon, cet épisode se calquant en grande partie sur son désir de recouvrer son héritage sur le comté d’Artois. C’est donc avec un réel plaisir que l’on plonge, encore une fois, dans ce moyen-âge, avec des dessins particulièrement bien léchés, en couleurs pastel ou flamboyantes, et toujours soucieux du détail. Les visages sont agréables et expressifs, les combats (très rares) et autres assemblées, très bien menés. Michel Suro alterne judicieusement entre plans larges et plans serrés. Reste que beaucoup d’informations, de titres et de noms sont donnés en pâture aux profanes de l’Histoire de France, nécessitant d’être accompagné à la lecture d’un glossaire. Retirer de l’histoire quelques personnages, tel des cousins ou autres duc éloignés de l’héroïne aurait facilité la tâche, car même l’arbre généalogique, en page d’ouverture de l’album n’y suffit pas. Mais pour les passionnés d’Histoire, cette Reine de sang est un petit délice à savourer, que l’on pourra également (re)croiser avec celui d’une autre Reine de sang, l’excellent Isabelle la louve de France, de Gloris et Calderon.