L'histoire :
En août 1942, après ses exploits en Cyrénaïque, l'australien Peter Yates a reçu une nouvelle affectation. Le voilà guetteur côtier sur une île des Salomon, au nord-est de Nouvelle Guinée, à surveiller le traffic de la flotte aéronautique japonaise, lors de la guerre du pacifique qui fait rage. Un job solitaire, sans gloire, mais pas sans danger : les Japs' ne font pas de prisonniers. Un jour, il sauve de la noyade deux pilotes américains, dont l'hydravion a été dégommé par des chasseurs japonais. Il les fait soigner au sein du village indigène où il vit et apprend par radio interposé que les japonais ont lancé une offensive sur leur zone. Leur objectif est de prendre Port Moresby, afin de mettre l'Australie à portée de leurs bombardiers. Les guetteurs australiens sont donc la cible prioritaire des jaunes. Toutes les bases de l'île doivent être évacuées. Yates doit donc rejoindre en urgence Port Moresby, par ses propres moyens, de l'autre côté de l'île, de l'autre côté de la chaîne montagneuse Owen Stanley. Avec l'aide d'un ami planteur, il retape un vieux coucou et s'envole avec les deux américains blessés. Mais alors qu'ils atteignent la Nouvelle Guinée, ils sont repérés et dégommés par un chasseur japonais. Un des deux américains meurt dans le crash dans la jungle. Ils vont devoir poursuivre leur périple à pied à travers la jungle humide et infestée de jaunes, traverser les Owen Stanley, puis emprunter l'improbable piste de Kokoda...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Pécau, scénariste féru d'Histoire, poursuit son récit chorale sur la seconde guerre mondiale. Plus qu'un destin commun et romanesque reliant les différents personnages récurrents, son intention est plutôt de les emmener tour à tour et aléatoirement sur différentes zones de combat à travers le monde. La culture mainstream a en effet tendance à réduire ce conflit à trois grandes images : l'occupation, la résistance, le débarquement... en France. Ici, le dépaysement est total : nous voilà en Papouasie, à suivre le héros australien Peter Yates dans sa nouvelle affectation. Nous l'avions laissé en plein feu sur une île grecque (dans le tome 3), il est désormais « Ferdinand », comme l'on appelait alors les guetteurs côtiers, du nom du taureau pacifiste de Walt Disney. Une appellation bien péjorative, tant le périple auquel nous sommes convié à ses côtés est riche en dangers. Les japonais incarnent un péril de mort permanent, la jungle sauvage se révèle un terrain hostile, et bien que les indigènes ne soient jamais une menace, leur aspect et la radicalité de leur civilisation n'incitent pas trop à la confiance. C'est la guerre du Pacifique, chère à Buck Danny et à Terrence Malick (La ligne rouge). Bref, les latitudes tropicales et les tensions apportées par cet épisode nous embarquent tout à fait, malgré la tendance made in Pécau à privilégier l'apport d'infos historiques, au détriment du souffle romanesque. Ça a l'avantage d'être didactique... mais ça restreint l'empathie pour les personnages. L'opus fait par ailleurs un aparté de quatre pages sur Cherryl Matthew, la journaliste américaine en poste en Chine, qui guerroie contre le Japon. Cette séquence ne sert qu'à « faire un point » bien succinct sur son devenir. Entre parenthèses, il est curieux que les deux personnages féminins de la série ne bénéficient toujours que de courts focus intégrés et jamais d'un épisode entier. Signalons enfin la partition graphique réaliste et maîtrisée de Bane (Kerac), qui se charge visiblement à 100% du destin de Peter Yates (il était déjà dessinateur du tome 3). Son utilisation de larges cases panoramiques, idéalement cadrées et mises en scène, apporte la dimension exotique idoine au récit.