L'histoire :
En avril 1941, la chanteuse de cabaret Lale croise son vieil ami Rudolf Klein dans la coulisse d’un luxueux cabaret de Berlin. Celui-ci est devenu capitaine au sein des « diables verts », la redoutable compagnie de parachutistes. Après avoir été rejoint par la journaliste gauchiste Magda, Rudolf relate quelques épisodes de son parcours aux deux femmes. Car l’entraînement au sein des paras n’était pas sans risque. Le taux de pertes en exercice était élevé, surtout que les soldats sabotaient parfois les parachutes de « camarades » par vengeance… Les premières missions périlleuses avaient endurci Rudolf. Il avait perdu son meilleur ami dans un combat, puis dans le feu de Rotterdam, il s’était secrètement livré à l’égorgement d’un rival revanchard. Les tensions au sein de sa famille avaient eu raison de ses dernières illusions. Pour arranger ses affaires industrielles, son père était devenu pro-Führer et souhaitait le voir intégrer la SS. Rudolf avait définitivement coupé les ponts en apprenant que ce père bienveillant avait vendu son comptable Walter à la Gestapo, parce qu’il était juif et homosexuel…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Pécau insiste encore et toujours sur les deux marottes qui façonnent sa griffe de scénariste. Primo, les fresques focalisant sur les moments charnières et les périodes troubles de l’Histoire – comme il le prouve avec L’homme de l’année ou les uchronies de Jour J. Deuxio les récits-chorale permettant à moult protagonistes de s’entrecroiser pour, au final, bâtir une vaste intrigue commune – comme il l’a prouvé avec L’histoire secrète, Arcanes, Arcane majeur. En mettant en scène 6 protagonistes de nationalités différentes, belligérants ou alliés durant la seconde guerre mondiale, Lignes de Front lui permet de concilier ces deux obsessions. Dans ce tome 4, le focus est porté sur Rudolf Klein, le dandy allemand homosexuel. Dans une première moitié d’album, par le truchement de flashbacks successifs, on le voit progresser dans sa carrière militaire au sein d’un groupe de parachutistes. Cette redoutable compagnie d’élite « Fallschirmjäger » fut surnommée les Diables verts. On est également instruit sur ses fâcheries familiales. Puis dans une seconde partie, Rudolf participe à une mission d’importance : l’invasion de la Crête. C’est l’occasion pour Pécau de convoquer un autre protagoniste désormais bien connu : Peter Yates, l’australien incorporé au sein des Scorpion du Désert (cf. tome 3). Curieusement, ces deux-là coexistent au sein de l’album sans jamais se rencontrer. L’épisode se borne donc surtout à présenter le parcours d’un des acteurs de la saga, mais sans construire énormément sur le plan des rapports inter-protagonistes. La troisième marotte de Pécau serait-elle déjà à l’œuvre : délayer la sauce ? L’ensemble est dessiné par le serbe Dejan Nenadov, qu’on avait déjà vu à l’œuvre sur les 5 derniers tomes d’Arcanes. Correctement proportionné, proche du style encré de Kas (par exemple), son dessin perd de sa force épique par de curieux choix de découpages ou de cadrages (les scènes d’action).