L'histoire :
Paul exulte : il est inscrit sur la liste des reçus au baccalauréat, mention passable. Youpi, le soir même, c’est la grosse teuf, durant laquelle il picole (un peu) et ambitionne de conclure avec sa voisine, la trop canon Julie. Mais Julie méprise cordialement ce gros looser : elle lui préfère Keith, qui lui est sur scène avec son groupe, au poste de guitariste. Paul décide de s’en ficher et profite de la musique : il rejoint la piste et danse comme un couillon, en mimant un solo de guitare. Puis il rejoint le comptoir du bar, où il est abordé par un vieux barbu en chemise à fleurs. Ernest, c’est son nom, a repéré que Paul vient de se prendre un vent. Il le console gentiment en lui disant que sur la piste, il a du style et du rythme. Il lui propose même d’intégrer une formation accélérée ! Paul hésite… Son grand frère lui fait alors miroiter une atroce carrière de comptable (et il se mange un énième râteau de Julie). Il finit donc par accepter et se rend chez Ernest, en province. Il découvre une gigantesque propriété, remplie de gens un peu barrés : ils miment leurs activités. Paul comprend à ce moment que la formation d’Ernest ne concerne pas la guitare, mais l’« air-guitare » : le fait de mimer d’être un guitariste, avec l’air super inspiré. Déçu et décontenancé, il finit par se laisser convaincre lorsqu’il apprend qu’il existe un championnat du monde très sérieux, à Oulu, en Finlande. C’est décidé : pour conquérir le cœur de Julie, il fera tout pour être le champion de la Air family…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une chose est certaine : Yann Le Quellec et Romain Ronzeau n’ont pas fait un air-bouquin ! 280 pages à partir d’un sujet aussi spécifique que l’air-guitare : il fallait maîtriser son sujet. Effectivement, Le Quellec suit la compétition internationale d’air-guitare depuis 10 ans (d’ailleurs, saviez-vous que le double champion du monde 2009-2010 était français : Gunther love ?). Le Quellec s’inspire ici d’anecdotes authentiques issues de son propre parcours de journaliste dans le milieu. Mais avant tout, à l’intention des néophytes, qu’est-ce donc que la « air-guitare » ? Au sens propre, il s’agit tout simplement de mimer d’être un super guitariste, en plein solo inspiré, sur une chorégraphie endiablée, en s’y croyant à mort. Annihilez d’emblée vos aprioris sur la nature fantaisiste de la chose : la discipline se révèle étonnamment riche… malgré un synopsis très classique. On pourrait même caricaturer en résumant : par amour, l’élu d’une prophétie se livre à une quête (de soi). Mais à travers ce parcours truculent (imaginaire) aux championnats du monde d’Oulu, en Finlande (bien réels : en 2011, ils ont lieu le 28 août), le scénariste étend la problématique sur le terrain de la philosophie. Le « air quelque chose », c’est un vent de liberté inouï, la possibilité de vivre son rêve, quel qu’il soit. Comme il l’explique, c’est décider que l‘air, c'est-à-dire « rien », c’est déjà quelque chose, et que si on s’accorde là-dessus, « tout » est joyeusement possible. Simple, efficace, selon un découpage parfaitement adapté, le dessin de Ronzeau transmet merveilleusement les chorégraphies et l’enthousiasme des personnages. La colorisation parvient aussi subtilement à jouer la partition sonore, alternant la bichromie globale et la multiplication des teintes, lorsque le air-guitar-hero se transcende sur scène. De là, vous comprendrez peut-être le concept abstrait de « l’airness », vous partagerez sans doute les raisons qui ont poussé Jimmy Hendrix à brûler sa guitare, et vous enfilerez assurément votre plus beau gilet à poils longs, pour sautiller sur votre lit, avec l’ampli à fond.