L'histoire :
Lucien n'est pas un fonctionnaire lambda. Il balaye les feuilles du parc communal. Il n'a pas son pareil pour danser avec elles et pour les faire virevolter dans un ballet qu'il orchestre avec beaucoup de finesse et de douceur. Son attitude bon enfant est raillée par les uns et moquées par d'autres. Lucien en souffre car, seul et en silence, il s'attache à accomplir sa tâche avec soin et à contempler la statue de Loulou. Et cela semble suffir à son bonheur. Jusqu'à ce qu'il rencontre Paul. Le jeune garçon se prend d'affection pour Lucien et veut devenir son ami. Un peu échaudé par la cruauté des autres enfants à son égard, Lucien prendra du temps avant de lui accorder sa confiance et son amitié. Mais la vie de Lucien va basculer, entraînant dans son tourment celle de Paul aussi...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Stéphane Sénégas a délaissé sa série Anuki le temps de se consacrer à ce one-shot graphique sobrement intitulé Lucien, doux patronyme affublé au protagoniste principal de ce beau roman graphique. On ne ressort pas indemne de ces 250 pages en noir et blanc. Le récit oscille entre poème et phénomènes de société où l'amitié, la fidélité et la confiance flirtent avec les pans les plus sombres de l'existence. Le scénario de Guillaume Carayol est aussi subtil que le trait de Sénégas, tantôt léger, tantôt lourd. La traversée de ce récit est parsemée de rebondissements en tout genre qui emmènent le lecteur dans une bourrasque de sentiments où se mêlent affection, tendresse, rage et colère. L'amitié naissante entre Lucien et Paul est mise à l'épreuve du temps, mais aussi à celle des interprétations et des préjugés. A ce titre, Guillaume Carayol évite d'être suggestif et laisse l'imaginaire du lecteur l'emporter au fil des pages. Le coup de crayon de Sénégas n'est pas sans rappeler celui de Manu Larcenet dans Blast. Le dessinateur joue très habilement avec les différentes textures de noir et de gris pour dépeindre avec une extrême justesse les décors et l'atmosphère dans laquelle se déroule cette très belle histoire. Celle-ci se découpe en deux parties. Et tout au long de l'œuvre, Lucien apparaît sous des visages qu'on ne lui aurait sans doute jamais prêtés. Voilà une bande dessinée particulièrement captivante !