L'histoire :
Paris, Gare de Lyon. Madame Iriany cherche le quai de son train. Des policiers viennent à sa rencontre. Stressée, elle s'aperçoit que les agents sont venus pour lui rapporter le billet de train qu'elle vient d'égarer par terre. Madame Iriany, indonésienne de naissance, travaille comme traductrice la semaine et elle aime parcourir la France pour mieux la découvrir. Elle se rend à Dijon pour une foire gastronomique. Son premier voyage, elle l'a effectué à Charleville-Mézières. Là-bas, c'est l'hiver et c'est la vue de la neige qui l'hypnotise littéralement. Elle en avait déjà vue en photo ou en film, mais jamais en vrai. Cette ville, on en parlait dans son village, c'est une histoire de famille. Quand l'Indonésie était néerlandaise, une arrière-grand-tante avait aidé un déserteur de l'armée coloniale. En fuite, depuis plusieurs jours, il s'était perdu. Sa tante lui avait offert le gîte et à manger. Il s'était présenté comme français. Son voisin français (Emmanuel Lemaire est dessinateur) écoute son histoire avec attention. Mais Madame Iriany, qu'il surnomme affectueusement Madame Hibou (« Ibu » signifie « Madame » en indonésien) doit s'arrêter là. Emmanuel retourne a sa planche à dessin...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Rouen par cent chemins différents et Rotterdam, Emmanuel Lemaire change de registre en s'attelant à l'histoire singulière de sa voisine née en Indonésie et résidant en France. Son regard particulier permet à l'auteur de mieux redécouvrir son pays d'origine, la France, ses us et coutumes (ne dit-on pas d'ailleurs qu'un étranger connaît quelque fois mieux son pays d'accueil qu'un résident installé depuis belle lurette ?). Tout l'intérêt du livre est là, à l'heure où le french bashing est un sport national chez les cocardiers : observer l'étonnement d'une femme déracinée et amoureuse de la France et de sa culture. Elle nous emmène sur les traces d'André Malraux, de Stendhal, de Christian Dior, de Georges Sand, au gré de ses voyages à Jumièges, à Grenoble, à Granville et à Châteauroux. Elle nous embarque même à Niort, considérée comme la plus laide ville de France dans l'excellent roman de Michel Houellebecq, Sérotonine. Pour illustrer cette étonnante aventure un brin picaresque, Emmanuel Lemaire pose son crayonné fin et délicat, sans artifices, permettant de rester sur la teneur sensible du récit.