L'histoire :
Par une nuit (forcément) pluvieuse du Londres de 1889, Malcolm Max et son assistante Charisma Myskina sont en planque dans un cimetière, derrière une large pierre tombale. Ils observent vaguement deux pilleurs de tombes en train de déterrer un cadavre et dissertent surtout sur les principes du baiser, avec exercices de rigueur. Ils assistent alors à l’intervention impromptue d’une candide journaliste du Daily Mirror. Celle-ci veut se faire un nom grâce à son reportage sur les profanateurs de sépulture qui sévissent dans la capitale anglaise. Malcolm et Charisma interviennent de manière musclée avant que les deux molosses qui déterrent les cadavres ne s’en prennent à la jeune femme. Or dans les minutes qui suivent, la journaliste, les pilleurs et une inconnue sont tués à coups de couteau par un mystérieux assassin. Le duo d’enquêteurs n’a rien vu, rien entendu et se retrouve logiquement en premier sur la liste des suspects de Scotland Yard. L’autopsie révèle alors quelques curiosités. Notamment que toutes les victimes ont reçu exactement 13 coups de couteau, enfoncés à des endroits strictement similaires de leurs corps. Ce procédé ressemble à s’y méprendre à celui d’un tueur bien connu des services de police : Edward Darkwood. A cela près que Darkwood a été arrêté, jugé et exécuté un an plus tôt. Enfin, pour en être certain, il faudrait tout de même procéder à une exhumation…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aux origines originales (sic) de ce thriller victorien, steampunk et ésotérique, il y a le désir de prolonger une pièce radiophonique diffusée en Allemagne. Malcolm Max est en effet né sous cette forme et sous la plume du scénariste Peter Mennigen. Motivé par le succès de la pièce, Mennigen était aussi convaincu par son potentiel en BD. Séduit par ces personnages et cet univers, le dessinateur Ingo Römling – qu'on a déjà pu voir à l'œuvre sur des comics Star Wars – s'est alors lancé dans l'aventure à ses côtés. Ce premier tome exhibe un univers graphique semi-réaliste savoureux, soigné, aux encrages détaillés, dans le décor précisément reconstitué de la fin XIXème, en somme d'une belle maturité. Acteurs principaux du thriller, Malcolm et Charisma composent un couple digne de Mulder et Scully des X Files, c'est à dire toujours en quête de phénomènes paranormaux à élucider. Toutefois, le ton de leurs dialogues, souvent emprunts de charme et d'ironie, rapprocherait plutôt le duo de Chapeau melon et bottes de cuir. Entre eux deux, il y a un rapport de séduction évident, jamais concrétisé. Malcolm collectionne les conquêtes féminines et il est chargé de faire découvrir le monde civilisé à Charisma qui est, elle, une demie-vampire – une nature ésotérique curieuse, qui n'est ni dérangeante, ni exploitée dans ce premier tome. Dans cette première partie de diptyque, nos enquêteurs se confrontent à un mystérieux serial killer qui met en scène ses victimes – toujours des femmes – de manière spectaculaire... Oui, nous sommes bien dans le Londres de 1889, celui-là même où officie fictivement Sherlock Holmes (évoqué) et où a lieu un ersatz d'exposition universelle (qui eut plutôt lieu à Paris, cette année là). C'est aussi l'époque d'un certain Jack l'éventreur, auquel on pense inévitablement en découvrant les abjects féminicides commis. Pour autant, les indices protocolaires relevés par les enquêteurs laissent croire qu'ils connaissent bien l'identité du meurtrier puisqu'il... a été décapité quelques années plus tôt ! Ce mystère n'est qu'un parmi beaucoup d'autres. Tous les codes du polar victorien ascendant fantastique sont de rigueur : polar, vaudou, morts-vivants, nécromanciens, prodigieuses inventions vapeur... On regrette juste une tendance à multiplier les cases écrites en tout petit, afin d'assurer une forte quantité de dialogues et narratifs. Cela assure néanmoins une belle densité de lecture ! Un premier tome plutôt engageant, donc...