L'histoire :
Dans le Paris des années folles, Paul Grappe et Louise Landy, deux jeunes gens issus de milieux modestes, tombent sous le charme l’un de l’autre. Filant le grand amour, ils se marient avant que Paul ne parte effectuer son service national. Quelques mois avant la quille, la première guerre mondiale éclate et le jeune appelé, devenu caporal, reste mobilisé. Dans les tranchées, la vie est un enfer : nombreux de ses compagnons d’infortune manifestent des troubles psychiques. Alors qu’il allait secourir un de ses camarades au beau milieu d’un champ bataille, Paul assiste à la mort brutale de celui-ci. Cet événement traumatique va le conduire à réfléchir sur la manière de quitter définitivement les rangs de l’armée. En s’automutilant, il pense avoir trouvé la solution. Malheureusement, ses illusions ne seront que de courte durée : son colonel lui signifie sur son lit d’hôpital qu’il le renvoie en première ligne. Cette décision n’est pas tenable, Paul va déserter !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En désertant, Paul est entré en clandestinité. Aidé de sa compagne Louise, il va se travestir et devenir Suzanne durant 10 ans pour retrouver une « semi-liberté ». Paul va rapidement se perdre à son propre jeu et trouver une satisfaction dans cette nouvelle identité. Au-delà de ce changement de genre, de ses maraudages sexuels, Paul va mettre en péril son couple, en buvant, en devenant violent avec Louise. Leur histoire trouvera une issue tragique. Cette BD est adaptée d’un essai historique et biographique de Danièle Voldman et Fabrice Virgili (La garçonne et l’assassin), qui est inspirée d’une histoire criminelle de l’entre-deux guerre. Ce fait divers soulève de nombreuses questions sur la complexité des sentiments amoureux, les blessures psychiques liées à la guerre, le travestissement, les violences conjugales, etc. La psychologie des personnages est construite avec beaucoup d’intelligence, de subtilité : Chloé Cruchaudet nous happe dans le récit parfois sordide mais fascinant de ce couple hors normes. La mise en page est très aérée, du fait de l’absence de case, ce qui rend la lecture très plaisante. Le trait est épuré, d’une grande justesse. Malgré une mise en couleur minimaliste avec une dominante de gris et quelques touches de rouge, le dessin est digeste et donne une belle cohérence à l’histoire. Après Ida et dans un nouveau registre, Chloé Cruchaudet confirme (encore) toute l’étendue de son talent artistique.