L'histoire :
En 2134, la plupart des nations terrestres ont élues des IA (Intelligence artificielle) à leur tête. Dans ce contexte, Noria, une adolescente déprimée, erre sans aucune assistance respiratoire en plein désert du Sahara pollué par des poussières nanotechnologiques. En compagnie d’Ibn, son IA-poupée, elle repère de curieuses étoiles filantes qui s’écrasent à proximité. Elle se rend sur place et découvre une unité de scaphandres-armures de combat, dont les pilotes humains s’attendaient à tout, sauf à la présence d’une jeune fille sur leur lieu d’entrainement. Ils l’endorment, neutralisent l’IA dans un scellage au plomb, et regagnent leur base « Oasis », l’une des dernières zones analogiques autorisées, c’est à dire sous contrôle 100% humain. Au même moment, un remorqueur spatial dédié au nettoyage des débris cosmiques, découvre un déchet peu ordinaire : il s’agit du cadavre d’un cosmonaute russe, Karpov, censé être mort sur terre en l’an 1973 ! A bord du remorqueur, l’humain Dustin et l’IA Brett sont perplexes : la route est trop fréquemment fréquentée pour que le corps ait pu flotter depuis plus de 160 ans… Ils ne sont pas les seuls : dans un coin indéterminé du réseau digital mondial, deux IA néo-quantiques au sommet du règne digital, ayant adopté des avatars de gorilles, ont bien du mal à évaluer cette découverte. A priori, il s’agirait des conséquences d’une « faille » spatiale, des brèches temporaires et aléatoires. Ce phénomène physique non expliqué, avait été envisagé par des chercheurs soviétiques, mais il est absent de tous les modèles digitaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Fred Duval n’en fait pas mystère dans ses remerciements : cette nouvelle série de science-fiction est largement inspirée par les classiques littéraires du genre. Une idée de Philip K. Dick par-ci, un zest d’Aldous Huxley par là, comme une impression d’Arthur C. Clarke par-dessus… Loin d’être un plagiat des concepts de maîtres, Duval a assimilé ce catéchisme pour en recracher une œuvre originale, puissante dès le premier tome ! Il faut dire qu’il s’appuie judicieusement sur les talents graphiques de Philippe Ogaki, génial bidouilleur informatique et maître es-robotique graphique (Sony l’a rêvé, Ogaki l’a fait !). Le cahier final, mine d’informations détaillées et jouissives pour les amateurs d’esthétiques SF, est là pour en témoigner. Sous ses crayons et ses palettes, moteurs, carlingues futuristes ou autres pistons plasma-magneto-nucléaires n’ont aucun secret. Le dessinateur nous offre des vues qui se dégustent dans les moindres détails : vaisseaux, armures, bloc médical, Oasis… Quel pied ! Certes, on sent bien que les persos ne sont pas trop sa tasse de thé… mais le reste rattrape largement ce bémol. Or, ces éléments sont au service d’un bon gros récit de SF, bien huilé comme on les aime. En effet, Duval parvient à accumuler un nombre de concepts futuristes impressionnant (nanotechnologies, intelligences artificielles, conflit humain-machine, hyper-espace, mondes virtuels, implants cérébraux, exo-armures mécaniques…), de manière cohérente, superbement imbriquée et sans pour autant que cela ressemble à un catalogue. Sur ce décorum équilibré, empruntant un rythme haletant, s’anime une trame politique dotée d’un énorme potentiel… et quelques mystères bien piquants. C’est complet, dynamique, intéressant : on en redemande et ça tombe bien, car on va en ré-avoir !