L'histoire :
Après avoir extrait l'épée Excalibur de la pierre, grâce à son âme allégée de toute ambition, Arthur vient d'être couronné roi. Sa sœur Morgane est furibonde : c'est à elle que revenait le trône de Bretagne. Jusqu'à ce jour, elle ignorait d'ailleurs qu'elle eut un frère rival. Merlin a préparé ce sale tour, il manigance dans ce sens depuis des années. En plus, elle doit encore supporter l'arrogance d'Arthur, qui se sait immortel lorsqu'il tient Excalibur en main. Elle lui avoue qu'elle n'aura de cesse de lui nuire. Que s'il refuse le règlement en duel à l'épée immédiatement, ce sera elle qui le tuera, un jour. Arthur finit par céder et accepte le combat. Il terrasse Morgane et la tue, malgré lui, grâce à l'invulnérabilité conférée par Excalibur. Il culpabilise (sur le coup, pas longtemps...) et dissimule son corps en forêt. Puis il retourne diriger son royaume. Mais comment une telle haine familiale a t-elle pu s'instaurer ? Pour le comprendre, il faut remonter au temps où Uther Pendragon guerroyait contre le père de Morgane, le seigneur de Tintagel. Depuis huit ans, ce souverain et son épouse désirait donner jour à un héritier... En vain. Heureusement, Merlin les avait aidé avec un sortilège. Hélas, au lieu d'un héritier mâle, c'était une fille qui était apparue.. Qu'à cela ne tienne, le seigneur de Tintagel décidait de lui apprendre à gérer les affaires royales en son absence...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les histoires dérivées des légendes arthuriennes ne manquent pas dans le 9ème art. Jean-Luc Istin en a même fait, en quelque sorte, sa spécialité, au sein de la collection Soleil Celtic. Toutefois, cette version en one-shot publiée sous la bannière Mirages de Delcourt mérite largement qu'on s'y intéresse. Primo, la surprise vient du traitement graphique signé Stéphane Fert. Son dessin est en effet ultra stylisé, saturé de teintes bleues-violettes (au début... par la suite, les couleurs d'ambiance varient en fonction des chapitres), comme imprégné par moment de gènes mutants de Picasso ou de Klimt, de gros soupçons de naïveté en prime. Il n'empêche, il se montre parfaitement lisible et agréable à suivre, car expressif, varié, novateur et géré avec un vrai sens du cadrage et de la mise en scène. A aucun moment on ne s'y perd. Deuxio, le scénario est génialement balancé, moderne dans son approche à la temporalité mélangée, emmené par un sens du dialogue de haute volée, riche dans ses symboliques et par sa longueur. Les joutes verbales entre Morgane et Merlin (son père) et/ou Arthur (son demi-frère) confinent tantôt à la tragédie grecque, tantôt au Vaudeville farceur (l'embrouille avec Guenièvre), sans que cela soit jamais incohérent. Par moment, le récit prendrait même des allures de manifeste féministe ! Cette Morgane indépendante et inattendue aura toutes les chances de séduire un public rompu aux mécanismes narratifs et aux graphismes académiques, plutôt que les néophytes.