L'histoire :
Au début du XXème siècle, la Russie a raté l’entrée dans le monde moderne. Le Tsar n’a rien fait pour que son peuple prenne le train de la modernité. 80% de la population est illettrée, les paysans isolés dans des terres immenses. La révolution industrielle est arrivée 50 plus tard qu’ailleurs et les grandes villes concentrent l’ensemble de la production. Les ouvriers commencent à se regrouper en soviets, et le parti de Lénine, le Parti Ouvrier Social Démocrate de Russie, se développe. Mais il se scinde en deux en 1903, entre les partisans d’un parti centralisé, constitué de révolutionnaires (bolchéviks) et les partisans d’un parti de masse, ouvert sur la société (mencheviks). Les mencheviks sont les plus nombreux. En 1902, des Jacqueries sont lancées à cause des mauvaises récoltes. En 1905, une grande marche ouvrière réunit 150 000 personnes. Mais ces démonstrations sont réprimées dans le sang. Les meneurs, Trotsky et Lénine, s’exilent. Staline est arrêté. Le jeune Tsar fait la sourde oreille et, s’il accepte une chambre des députés en 1906, elle n’a aucun pouvoir. La révolution de 1905 a vécu. Mais avec la guerre de 14, et la boucherie des pauvres paysans russes envoyés au front sans formation militaire, les russes commencent à demander la paix, en plus du pain. Trotsky et Lénine reviennent sur le devant de la scène…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Année de centenaire oblige, c’est le moment de penser à la révolution russe, aux changements qu’elle a apportés dans le monde. De relire un monde où tout était possible et où les hommes pouvaient être guidés par des idéaux égalitaires, même si la réalité a rapidement rattrapé tout le monde. Un souffle d’Histoire passe entre nos oreilles, il est rafraîchissant, il est revigorant. On se retrouve en pleine révolution, entouré de noms qui résonnent encore dans nos cerveaux d’adolescents : Lénine, Staline, Trotsky, mais aussi Kamenev, Zinoviev, Maïakovsky et Kollontaï. Le lecteur suit le complot, les revers, les secrets et les réussites. On peut voir l’affrontement amical entre Trotsky et Lénine d’un côté, épaulés par Alexandra Kollontaï, et les timorés Kamenev et Zinoviev de l’autre. Staline, lui, présent à toutes les discussions, est rarement partie prenante. A partir du deuxième tiers de l’album, le lecteur est littéralement happé dans l’action, une action passionnante. Le premier tiers est assez long et fastidieux à lire, il permet de poser le décor. C’est toutefois assez confus dans les premières pages où les dates se croisent et embrouillent le lecteur avec des retours en arrière. Ce choix de Patrick Rotman rate sa cible, mais il ne faut surtout pas abandonner si tôt car, on l’a vu, ensuite, cela devient magique. Benoît Blary, lui, a choisi une ligne claire très épurée avec des décors souvent minimalistes, et un travail impressionnant sur les personnages, qui donnent à ce récit historique une force spéciale. L’aquarelle apporte une touche de légèreté et de poésie, un effet un peu onirique à cet événement pourtant fondateur, et lourd de conséquences pour le monde moderne. Mis à part dans les premières pages, le duo fonctionne à merveille et réussit le pari de rendre un grand moment d’Histoire à la fois beau et passionnant. A la fin de l’ouvrage, le cahier donne, s’il en était besoin, d’autres informations à un lecteur qui aura eu le sentiment de faire l’Histoire, lui aussi.