L'histoire :
En 1977, attablé dans un bistrot français, entre deux gargantuesques bouchées, Orson Welles tente de vendre à deux jeunes producteurs l’idée de son prochain film. Les plans fusent, le discours est parfaitement rodé, témoin d’une expérience sans commune mesure. L’homme de cinéma déballe son enthousiasme en revenant sur sa longue et sinueuse carrière dans cette passion à sens unique. Se décline alors la biographie d’un homme à l’ego démesuré, semblant être mise en perspective par lui-même. L’histoire d’un jeune garçon biberonné par l’intelligentsia, élevé comme une bête savante, et devenu à l’âge adulte un orfèvre du septième art dont la renommée ascensionnelle fut ternie par pléthore de polémiques et de projets inachevés. L’histoire d’un homme clé du XXème siècle, véritable personnage faustien de chair et d’os, de ses débuts sur les planches de théâtre à ses succès cinématographiques, de son apogée à sa lente descente aux enfers.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce récit tout de noir vêtu s’ouvre sur les volutes de fumée d’un long cigare lové au creux d’un monologue digne du cinéaste. L’ombre des lettres géantes d’Hollywood finit par s’estomper, pour laisser apparaître l’homme dont il est question. Un chapeau noir vissé sur la tête, une barbe épaisse et l’introspection au coin des lèvres. Orson raconté par Orson, tel semble être l’exercice délicat de ce roman graphique qui s’attache à décrire l’enfer du décor. Cette mise en abîme permet au lecteur de déguster de façon détaillée l’histoire d’un des plus grands noms du cinéma américain. D’abord considéré par ses pairs comme un génie adulé, puis conspué comme un paria, victime d’un succès connu trop tôt, et gérant tant bien que mal sa dégringolade, du firmament à l’obscurité. Le chapitrage offre heureusement un apaisant repère temporel dans une vie trop riche pour tenir en moins de 300 pages. Les projets se succèdent sans se ressembler, s’enchaînent sans perdre d’élan malgré les obstacles, dépeignant l’avant-gardiste qu’il incarnait. Youssef Daoudi, auteur marocain, à la fois scénariste et illustrateur sur cet ouvrage, nous laisse à peine le temps de souffler entre deux rebondissements, s’amuse à effriter avec brio le quatrième mur comme d’autres auteurs avant lui. Le fil de l’histoire est astucieusement déroulé, éclairé de jaune comme si les projecteurs n’avaient jamais cessé d’éclairer cet homme et d’étendre son ombre.