L'histoire :
Début 2015, quelques temps après la tuerie de Charlie Hebdo, la peine de mort s’immisce à nouveau dans le débat public en France. 52% de la population se dit favorable à son rétablissement. Cette même année, au lendemain des attentats du 13 novembre, Valentine Cuny-Le Gallet écoute en boucle Danièle Mérian, avocate, militante à l’ACAT « L’action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture » qui s’exprime à la radio. Venue rendre hommage aux victimes devant le Bataclan, elle est interviewée à l’improviste et parle de fraternité plutôt que de vengeance. Au printemps suivant, Valentine envoie sa lettre d’adhésion au programme de correspondance avec un condamné à mort de l’ACAT.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet imposant roman graphique est le fruit de l’amitié entre un détenu dans le couloir de la mort, Renaldo McGirth (plus jeune condamné à mort des USA à 21 ans), et l’autrice Valentine Cuny-Le Gallet, une étudiante en arts de 19 ans. Cet ouvrage à 4 mains est essentiellement composé de leurs correspondances épistolaires (textes et dessins) mais également des 3 jours de visite qu’à pu effectuer Valentine dans le centre pénitencier en Floride où se trouve incarcéré Renaldo pour un meurtre commis à 16 ans. Si cet ouvrage n’est uniquement crédité que du nom de Valentine Cuny-Le Gallet c’est à cause de la loi qui interdit tout condamné de tirer profit de son crime : Renaldo a donc fait don de ses travaux à Valentine. Bien qu’une relation de très forte amitié se noue entre les 2 protagonistes, le propos du livre n’est pas de refaire le procès, ni de disculper Renaldo. Valentine souhaite restituer les instants vécus l’un après l’autre durant ces années d’échange. Renaldo, quant à lui, dans sa cellule de 5m², souhaite découvrir le monde à travers les yeux de Valentine. Le propre de la correspondance épistolaire est de pouvoir élaborer sa pensée avant de la coucher sur le papier, mais aussi susciter l’attente du courrier par l’un ou l’autre. Les règles extrêmement contraignantes mises en place par l’administration carcérale, la censure de ce qui n’est pas conforme à l’idéal américain (notamment la culture noire), vont corser l’exercice. Le propos de cet album est foncièrement humaniste, très souvent poignant. Il témoigne d’une triste réalité vis-à-vis d’un système carcéral dur. Graphiquement, les dessins sont évidemment disparates entre les 2 auteurs, mais complémentaires et chacun amènent leur poésie. Le découpage de Valentine Cuny-Le Gallet est souvent original, la nature est souvent présente dans ses dessins ou gravures. Le dessin de Renaldo est quant à lui moins abouti mais tout aussi chargé en émotions.