L'histoire :
C’est jour de match pour Jonathan, 16 ans, un jeune footballeur particulièrement prometteur. Une fois encore, il conjugue provocation technique brillante et provocation verbale grossière. Cette fois, c’est le gardien de but de l’équipe adverse qui est sa cible. Et peu importe s’il échappe de justesse à la vendetta de l’équipe adverse : le principal est d’avoir marqué et d’avoir gagné le match en s’offrant en bonus le plaisir de l’humiliation. Il se moque d’ailleurs bien des conseils et des remarques de son coach et de son entraîneur, qui aimeraient le voir un peu moins jouer les provocateurs. Il se sent fort, indestructible, invincible… Au retour du stade, il passe voir sa sœur aînée dans le local où elle répète avec les membres de son groupe de rock. Il aime l’énergie qu’ils transmettent et se laisse facilement hypnotiser par les titres des Ramones qu’ils déclinent avec brio. Et puis il y a aussi la batteuse pulpeuse qui ne le laisse pas indifférent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Associé cette fois à Grégory Mardon (après l’avoir été à Clément Oubrerie…), l’écrivain François Bégaudeau nous offre en pâture une belle tête à taloches. Une de celles qui manient ballon rond, insolence option provoc' et sens de la répartie mal placée, avec une égale dextérité. D’ailleurs, il faudra peu de pages pour qu’au-delà du monde qui l’entoure, il s’attire également notre antipathie. Pas grave… Il finira par calmer notre envie de lui coller un ou deux coups de pieds dans l’arrière-train, à mesure qu’on comprendra que le scénariste s’amuse non pas à dribbler un récit footbalistique avec un sale gosse capricieux, mais plutôt qu’il brosse le portrait d’un ado en pleine confusion. Famille, amis, école, avenir, foot, copines et sexualité… Tout est là qui appuie avec ambiguïté là où ça fait mal pour notre ado emmerdeur. Tout est là qui sonne l’évidence : le moule qu’on lui a préparé n’est pas fait pour lui. Du coup, ça l’agace et il agace sur le même tempo : le sens commun déteste par nature celui qui piétine un avenir tracé et prétendument brillant. A la fois passionné par le sport et la musique, Bégaudeau cisèle ce bouleversement autour du foot et du rock en une parfaite alchimie. Surtout, il met le doigt avec une incroyable justesse sur une des véritables problématiques qui scelle les rapports entre adultes et ados : la différence de point de vue sur ce que l’on voudrait qu’ils soient. Pour autant, le récit ne joue pas toujours la facilité en utilisant des symboliques pas forcément « lisibles », a priori (quid de ce copain costaud mutique ou de la symbolique du Lynx ?). Ou encore, en livrant un final abrupt au moment même où le personnage central commençait à voir son antipathie se fendiller. A l’inverse, on se régalera des dialogues portant l’incroyable sens de la répartie du personnage central et d’un dessin offrant une belle fluidité en donnant beaucoup de rythme à l’ensemble.