L'histoire :
Zehra se retrouve de nouveau emprisonnée en Turquie : après avoir été à Mardin, elle est maintenant dans la ville de Diyarbakir. Elle est condamnée à environ trois ans de prison, pour un dessin et une information qu'elle aurait relayés, en tant que journaliste et artiste. Elle a dessiné la ville de Nusaybin en pleine destruction, elle n'a peint qu'une réalité. Et ils ont décidé de la punir, plutôt que d'arrêter les véritables coupables de cette tragédie. Déterminée, Zehra va utiliser le dessin et l'écriture, en cachette, pour raconter les conditions de détention innommables, les séances de tortures, et l'oppression du peuple kurde. Dessiner est interdit. Elle va donc subtiliser les lettres que lui fait parvenir son amie Naz Oke pour exprimer ce qu'elle vit au quotidien, l'organisation interne qui s'instaure, pour relater la solidarité féminine dans la prison n°5, et espérer que ses créations s'évadent hors de la prison, témoignent et alertent de la situation. Elle raconte les pratiques illégales et indignes des gardiens, la perte d'humanité des détenus, les privations et les sanctions. Mais surtout, l'envie de résister, de ne pas se laisser abattre et de continuer à espérer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Emprisonnée dans des conditions terribles, la journaliste kurde Zehra Dogan nous raconte. Pour que nous sachions ce qui se passe, pour s'échapper de son quotidien, pour garder une trace de ces atrocités, pour que nous n'oubliions pas. Cette bande dessinée est particulière, et nous le constatons dans un premier temps par son format, son édition. Le papier y est brut : il n'est pas blanc comme d'ordinaire, mais ocre, comme s'il avait lui aussi porté le fardeau de l'emprisonnement. La mise en page est également atypique : des dessins crayonnés, comme inachevés, des traces grises sur le papier, et quelques lignes pour mettre des mots sur les événements et les personnes qui marqueront Zehra. Enfin, lorsque nous commençons notre lecture, nous découvrons que cette bande dessinée est clandestine. L'autrice a réalisé son œuvre en prison, alors que cela lui était formellement interdit, et a réussi à transmettre ses dessins hors de la prison grâce à ses amies. Elle créait avec les moyens du bord et utilisait le dos du papier des lettres de son amie. En tant qu'artiste et journaliste, Zehra a reçu de nombreux prix, notamment des prix journalistiques, et a reçu le soutien de moult artistes renommés, comme Banksy qui lui a dédié une fresque. Ce témoignage poignant et saisissant peut toutefois perturber les âmes les plus sensibles, et il faut être prêt à pouvoir lire les horreurs inimaginables qui peuvent se produire dans ces prisons. Un témoignage bouleversant qui montre le contraste entre la solidarité féminine entre les prisonnières et la férocité de leurs bourreaux.