L'histoire :
Depuis des nuits le professeur Bell ne dort plus. Assailli par le remords et les rêves de vengeance envoyés par son pire ennemi, Adam Worth, il rumine ce malheureux « accident » qui vu la mort de la fille unique de ce dernier. Seule solution : commettre un nouveau meurtre afin de se mettre définitivement à l’abri ! Mais sur le balcon détrempé du Sieur Worth, Joseph Bell perd l’équilibre et chute de haut. Mal en point, une bagarre éclate entre Ossour, son domestique, venu lui prêter main-forte et les sbires de son terrible adversaire. Finalement, intervient son ami policier, Oskar, qui lui conseille d’oublier ses déboires en reprenant une activité normale d’enseignant à l’université d’Humpty Dumty. Donner un cours dans un tel état de fébrilité, est-ce bien raisonnable ? Rien ne l’est avec le professeur. Oskar, venu par prudence aux nouvelles, intervient juste à temps pour empêcher le scientifique de trépaner un étudiant avec un cendrier de pierre ! Mis en congés forcés par le recteur, le coupable part alors en Irlande se refaire une santé, accompagné d’Eliphas et d’Ossour. Cependant sous la grisaille, au détour du comptoir d’une auberge, l’attend un morbide spectacle : les cadavres des clients et propriétaires…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Combien de verres d’absinthe s’envoient Sfar, Tanquerelle et Walter avant de réaliser un album du Professeur Bell ? Sans doute aucun. Et pourtant la « fée verte » semble guidée chacun de leur pas. Peut-être aussi parce que L’Irlande à bicyclette rappelle, le temps d’un album, l’univers d’Adèle Blanc-Sec (Tardi) qui comme son nom l’indique ne buvait pas que de l’eau (??). Bref, Joseph Bell est un homme froid, cynique, préférant la grisaille irlandaise au soleil des îles (au grand dam de son fidèle compagnon, Ossour…). Son éternel rival se nomme Adam « Worth » (patronyme de même caractéristique) dont seules les motivations profondes et l’intérêt privé les distinguent véritablement, tant leurs méthodes brutales les rapprochent. Cette recherche de la vérité (si peu scientifique soit-elle), le contexte désuet, le ton suspicieux (aventureux et inquisiteur) et donc les personnages font bien sûr penser à une enquête de Sherlock Holmes (dont le père, Conan Doyle, ici étudiant, manque de se faire trépaner). Une enquête qui aurait totalement déraillée au fil de sa progression pour devenir toujours plus noire, fantastique et incontrôlable, en un mot : insoluble. Car il faut laisser son bon sens au vestiaire pour apprécier ce délire scénaristique et graphique. Le dessin s’avère d’égale tenue, à la fois grave et réjouissant. Le trait tourmenté, les encrages prononcés, jamais plus de quelques couleurs sombres par case pour garder une atmosphère inquiétante : Le professeur Bell est un anti-héros savoureux qu’il faut savoir lire avec malice. Sherlock Holmes habillé de noir et sérieusement « sonné »…