L'histoire :
En mai 1957, une course-poursuite s’engage à pieds sur les trottoirs mouillés de la place Rogier de Bruxelles, entre plusieurs hommes en trench-coats. L’un des hommes traqués est touché par balle. Aux aguets, son compère se réfugie alors dans la boutique d’un bouquiniste. Le lendemain, le bouquiniste, un dénommé Boon, téléphone à son ami garagiste Robert Sax pour lui faire part de son aventure de la veille. Robert Sax est un curieux garagiste : dandy, veuf, dragueur, pas franchement passionné par la mécanique – dans son atelier, c’est son employé Raoul qui fait tout le boulot ! – mais toujours partant pour l’aventure. Robert Sax se rend aussitôt chez Boon. Boon lui raconte alors ce type bizarre et angoissé, qui s’est clairement réfugié dans sa boutique la veille au soir, en faisant semblant de s’intéresser aux livres. Quand il en était ressorti, c’était pour être brutalisé et kidnappé par d’autres hommes parlant avec l’accent de l’Est, à bord d’une grosse voiture américaine. Or, alors que Boon relate cela, différents gars en trench-coat viennent successivement acheter des bouquins qui ne leur correspondent pas. C’est suspect… Boon et Sax se retirent discrètement et espionnent leur manège depuis une fissure de l’arrière-boutique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Déjà co-auteurs d’une biographie bédessinée dédiée à Edgar P.Jacobs, Rodolphe et Louis Alloing poursuivent ici leur hommage au papa de Blake et Mortimer. Ou plutôt, ils rebondissent sur un registre qui lui était cher : l’espionnage des années 50, selon un façonnage artistique élégant, une ligne claire parfaitement maîtrisée, détaillée et donc très agréable à l’œil. Le héros du titre, qui mène les débats, montre pourtant a priori un curieux profil de l’emploi : il est garagiste ! Oui, mais il est aussi célibataire, charmeur, fidèle en amitié, prêt à sauver la veuve et l’orphelin, et surtout, il ne semble pas vraiment doué pour la mécanique. Entre parenthèses, l’orphelin en question est l’ami Boon, qui nous fait d’emblée le coming-out de sa libido, comme pour estampiller cette série en devenir d’une date de création tout de même actuelle. Robert Sax plonge donc tête baissée dans une affaire de microfilms contenant les plans pour un engin atomique révolutionnaire… Mouais… cela ressemble autant à un prétexte qu’à un bon vieil archétype d’intrigue façon fifties ! N’ayez pas peur, nous restons là dans une veine grand-public sans prétention, ni complication tarabiscotée. Du « light-espionnage », en quelques sortes. Les vils espions sont plus patauds que méchants, et les enjeux internationaux demeurent factices (façon litige entre Bordurie et Syldavie). Entre les palabres bullés et la voix-off descriptive, les auteurs en profitent aussi pour se livrer à un véritable tourist-tour de la capitale belge d’il y a un demi-siècle, précisément l’année de l’expo universelle qui vit naître l’Atomium (1958). Bref, un épisode-pilote aussi léger et délicieux qu’une bonne bière blanche de chez le Roy d’Espagne…