L'histoire :
Eric et Pat sont à New-York. On en est 1978 et dans la grosse pomme, à cette époque, un joint coûte un dollar. Le prix d’un cheeseburger. Alors qu’ils viennent d’arriver, Eric dépense déjà leur maigre pécule en fumette. Mais Pat ne lui en veut pas, elle ne lui en veut jamais. Aspirants instituteurs tous les deux, Eric a convaincu Pat de le suivre dans une traversée vespérale des Etats-Unis, en direction de San-Francisco, en stop, pour rejoindre le pays des Beatniks. Ils pensent que ça va être une belle traversée, jonchée de pétales de roses sous leurs pas et dans les cheveux. Mais dès le premier jour, la galère commence. L’amie d’ami d’ami qui devait les héberger est en pleine dispute amoureuse quand ils débarquent. Les voilà à la porte. Ils passent leur première nuit aux « States » à la belle étoile, cachés dans les buissons du parc de Washington Square… Les jours qui suivent, sous une chaleur accablante, ils visitent la mégalopole et tentent de gagner leurs premiers dollars. Eric fait des dessins humoristiques qu’il vend dans la rue. Lui est un peu perché, c’est Pat qui fixe les prix. Bientôt, ils ont assez pour partir. Ils lèvent le pouce, et c’est parti. Hitchhike the way accross USA…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pas besoin d’être un fan de la Beat Generation pour rentrer dans ce one shot extraordinaire. De l’aveu même d’Eric Cartier, ce bouquin est l’œuvre de sa vie. En fait, il y a plein de vrais bons gros morceaux de sa propre vie dedans. C’est Audrey Alwett qui lui a proposé de se lancer dans cette aventure. A force de l’entendre raconter des anecdotes sur ce fameux voyage, elle lui a proposé de l’aider à l’accoucher (et le coucher) sur le papier. Résultat : quatre ans de boulot, des premiers échanges entre Eric Cartier et Audrey Alwet, jusqu’à ce beau bébé de 180 pages, qu’on avale comme un rien. Bien sûr, à l’arrivée, ce n’est plus le recueil d’anecdotes d’un baba cool qui gagne sa vie en dessinant des petits mickey. Petit à petit, c’est devenu quelque chose de plus ambitieux. Cartier raconte comment, pourquoi il s’est rendu compte –juste à temps – que sa came, ce n’était pas le shit, ni l’alcool, ni toutes les drogues qu’il va toucher pendant ce voyage. Sa drogue, c’est son amoureuse, c’est Patricia. La raison pour laquelle cet album touche juste et fort, c’est que Cartier se fout complètement à poil. Ça aurait pu faire un grand roman, notamment grâce à un découpage du récit très réussi par Alwett. Mais le héros n’est finalement pas devenu instit. Il est devenu dessinateur. Du coup, il nous plonge complètement dans cette Amérique de la fin des seventies, grâce à un trait très dynamique, très souple, proprement magnifié par les couleurs douces et sensibles de Pierô Lalune. Le ton est léger, direct, les textes sont très « parlés », quelquefois fredonnés, ce qui donne une complicité avec l’auteur. En bref, cette tranche de vie, qui nous fait rire, sourire, pleurer aussi, nous colle une jolie petite banane un rien nostalgique dès la dernière page tournée. Et ça fait du bien.