L'histoire :
St Elme est une petite ville des Alpes qui a la chance d’avoir une source d’eau ayant fait la richesse de ses habitants ou plutôt d’une famille : les Stax. Autant puissante que dégénérée, la famille règne telle une mafia sur cette ville envahie par des grenouilles mutantes. C’est dans ce contexte qu’arrive Franck Sangaré détective privé, chargé de retrouver la trace d’un certain Arno Cavaliéri. A priori sans lien direct, le garçon de bonne famille disparu se trouve être devenu homme de main de la famille Stax, se faisant appelé le derviche et ne ressemblant plus du tout à la photo que le privé montre aux habitants du village. Ce dernier se retrouve mêlé à un bain de sang lors d’une virée dans un chalet perdu, quand un des malfrats se met à dézinguer ses collègues après avoir découvert une petite fille enfermée sur place. Nul doute que tout ça n’a pas l’air (rai)net(te)…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Serge Lehman fait partie des scénaristes les plus ambitieux du moment. Après avoir redonné ses lettres de noblesse aux supers héros gaulois avec La Brigade chimérique et Ultime Renaissance, il s’est associé à Frederik Peeters pour L’homme Gribouillé et nous a livré une véritable histoire fantastique à la française. Lui qui aime le cinéma fantastique européen d’avant-guerre et le polar américain, a toujours réussi à s’affranchir de ses maîtres pour en faire des récits authentiquement français. C’est encore une fois le cas avec St Elme, croisement parfait, comme il le dit lui-même, entre Twin Peaks et les œuvres de Jean Patrick Manchette. C’est-à-dire du polar sombre teinté d’ironie dans une ambiance aux frontière du réel dans une petite ville paumée dont on ne sort jamais. Rien n’est vraisemblable sur le papier et pourtant tout est crédible entre les mains de Lehman. L’apparent brouillon des intrigues s’articule parfaitement sous nos yeux et jamais on ne perd le fil, contrairement à des polars chandleriens où les personnages priment sur l’intrigue. Car la caractérisation et la complexité de chaque personnage est ici une leçon d’écriture, à tel point qu’il est difficile d’anticiper leur faits et gestes. St Elme est une lecture qu’on déguste d’autant plus que c’est Frederik Peeters aux pinceaux. Avec sa feinte simplicité, Peeters maîtrise parfaitement son style et redouble de génie quand il met en mouvement le Derviche dans ses délires inquiétants. La sortie en intégrale et en noir et blanc, renforce l’ambiance polar, certes, mais la colorisation des albums en individuels en fait une expérience encore plus étrange. À vous de choisir, mais le résultat est le même.
