L'histoire :
Pendant la nuit, Saris est réveillée par Orlando, l’homme de confiance de son père mourant. Celui-ci lui remet une boîte contenant trois clés qui ouvrent les portes du Paradis, des Enfers ou du Néant. Mais personne ne ne sait quelle clé ouvre quelle porte. Une porte, celle de l’Ange, accepte les trois clés… Il faut la trouver, et choisir la bonne clé. Saria doit fuir rapidement, car les Fasci, milice fasciste du Doge de Venise, viennent chercher la boîte. Ils sont devancés par l’ange Galadriel, furieux que la famille de Saria, les Asanti, la lui aient volée. Le vieil homme mène l’ange sur une fausse piste, celle des Sancti Aura, les inquisiteurs eux aussi au service de son frère, le Doge. L’ange le punit éternellement et part en chasse. Les Fasci mettent le feu au palazzo des Asanti, et le duc Amilcar va rendre compte au Doge de la disparition de la boîte et de sa nièce. Six ans plus tard, la jeune femme est devenue la Luna, une jeune femme adulée par le peuple de Venise. Elle tient tête aux Sancti Aura qui violentent les plus démunis. La Dyle des forçats arrive dans la Cité pour contester, comme tous les douze ans, la mainmise du Doge sur Venise.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quatorze ans après la sortie des Enfers, Jean Dufaux réussit à sortir une intégrale de Saria. C’est ironique de voir enfin un seul objet pour cette trilogie qui a connu deux Titres (les Enfers et donc Saria), deux éditeurs (Laffont et Delcourt) et deux dessinateurs (Serpieri et Federici). C’est comme un rêve réalisé pour le prolifique scénariste de Murena, Djinn, qui voulait faire une espèce de pendant noir de son Giacomo C. La république de Venise d’un futur qui ressemble au passé en pire, avec des dirigeants et des ecclésiastiques consanguins, corrompus par la richesse et le pouvoir, sans pitié pour les pauvres et les faibles, et surtout sans aucune moralité. Son héroïne n’a pas beaucoup plus de scrupules, mais sert une République apaisée et respectueuse de ses citoyens. Le scénario est assez simple à suivre, quelquefois un peu rapide, mais d’une grande efficacité. Le propos est extrêmement désenchanté sur la race humaine, quelquefois même dérangeant, mais Dufaux l’assume. Ce récit d’anticipation quasi apocalyptique est surtout une critique du pouvoir. Il est servi par deux dessins extraordinaires, ceux de Paolo Serpieri, puis Riccardo Federici. Les deux sont magnifiques, même si assez différents. Celui de Federici surtout est hypnotique tant le lecteur a l'impression de voir réellement se dérouler l'histoire sous ses yeux. Le petit carnet en fin d'album, qui livre quelques crayonnés, laisse un goût de trop peu. Mais cette intégrale est donc proprement fascinante, belle à se damner, c'est le cas de le dire.
