L'histoire :
Le 20 octobre 2011, aux alentours de 8h30, une caravane de véhicules s'engage dans le désert libyen, en direction de la frontière tunisienne. À bord de l'un de ces véhicules se trouve le président lybien Kadhafi, fuyant la rébellion qui déchire son pays. Le printemps arabe a déjà permis de renverser les présidents égyptien et tunisien, ses deux voisins immédiats. Tout à coup, des avions de chasse surgissent et ouvrent le feu sur l'avant et l'arrière de la colonne. Kadhafi et plusieurs de ses proches sont contraints de quitter leurs voitures et de se réfugier dans un conduit souterrain d'évacuation des eaux, sous la route. Mais les rebelles, bien armés, les poursuivent à pied. Une grenade est lancée dans le tunnel, et Kadhafi est logiquement blessé par l'explosion. Il sera immédiatement tué après en avoir été extrait, sous les coups vengeurs des insurgés. Cette exécution doit-elle uniquement être attribuée au printemps arabe ? N'y a-t-il pas aussi un élément de revanche de Nicolas Sarkozy, alors président de la République française ? Faut-il y voir un retour de bâton après une affaire de type « argent contre rédemption politique » ? Pour mieux comprendre, remontons 9 années en arrière, en 2002, à l'époque où Nicolas Sarkozy est encore Ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac. Une époque où il nourrit des ambitions présidentielles avec de réelles chances de succès. À cette époque, Ziad Takieddine, l'homme d'affaires libanais, organise des réceptions dans de grands hôtels parisiens, cherchant à légitimer son rôle d'intermédiaire pour des contrats d'armement de grande envergure. Car ce qui est pratique dans les contrats dépassant le milliard d'euros, c'est qu'ils permettent souvent de dissimuler des pots-de-vin considérables...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le 21 mars 2018, Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour corruption passive, financement illégal de campagne et recel de détournement de fonds publics libyens. En ce début d'année 2025, un grand procès sur cette affaire s'ouvre au tribunal de Paris, prévu pour durer 4 mois. L'ancien Président de la République française et ses proches (Claude Guéant et Brice Hortefeux), évidemment présumés innocents, sont soupçonnés d'association de malfaiteurs et de corruption. Ils encourrent jusqu'à 10 ans de prison ferme ! Ce procès cherche à vérifier que la campagne présidentielle de 2007 a été partiellement financée par plusieurs valises de cash (environ 50 millions d’euros) données par Mouammar Kadhafi, en échange d'un soutien politique et d’un projet d’union africaine. A l'occasion de ce procès, les éditions Delcourt rééditent ce reportage judiciaire très complet (déjà paru en janvier 2019), réactualisé et enrichi de documents authentiques (50 pages !), réalisé par des journalistes d'investigation. Le format BD permet de rendre ce sujet, complexe, accessible au grand public. Les journalistes précisent en préface que toute ressemblance avec des faits ou personnages réels n’est pas fortuite. Le dessin de Thierry Chavant est réaliste et froid, à distance des caricatures habituelles dans la politique en BD. L’enquête de 190 pages donne une impression de sérieux et de rigueur. La crainte de poursuites pour calomnie montre que les sources sont solides. Cependant, il appartient à la justice de trancher. Plutôt que de juger, le lecteur s'intéressera aux choix narratifs, comme celui d’un narrateur impersonnel, qui explique les événements, mais dont les allers-retours chronologiques compliquent la compréhension. Le lecteur ressort avec une compréhension générale des faits, mais aussi la certitude que de nombreuses zones d'ombre demeurent. Le grand-public en saura t-il plus en avril 2025 ?
