L'histoire :
Elle n’est pas en forme ces derniers temps. Et c’est d’ailleurs exactement ce qu’elle confirme à son psy lorsqu’il lui pose la question. Chaque matin, en effet, au réveil, elle crache du sang. Pourtant le médecin est formel : aucune pathologie n’en est la cause. Ses symptômes n’existent pas. Ou plutôt ils sont la simple résultante d’une défaillance psychique : totalement imaginés. Peut-être, pour qu’ils cessent, devrait-elle se souvenir pourquoi elle est là. Peut-être devrait-elle plus simplement prendre les pilules quotidiennes de son traitement. Mais elle ne peut ni se souvenir, ni prendre aucun médicament. Pas de doute qu’elle soit malade, mais qui pourrait la soigner ? Ce psy ? En est-il vraiment un ? Et qu’est ce que ce 3e œil qui orne le centre de la paume de sa main ? Elle doit se souvenir : bonheur passé, maternité heureuse, bel amour aux cheveux courts et blancs, avortement, jeune femme aux cheveux longs et bruns… Et tout ce sang…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Énigmatique, presque oppressant, mais souvent confus, le récit proposé par Dogado laisse un arrière-goût de déception. Très vite et qui plus est pour peu qu’on ait pris soin d’amorcer l’ouvrage par la 4e de couv’, on sait qu’on ne se baladera pas dans un récit ordinaire. Le titre est d’ailleurs des plus évocateurs puisqu’il fait référence à un univers dans lequel errent, entre vie et mort, les âmes de ceux récemment disparus. En somme, du pain béni pour nous permettre de nous rouler avec délice dans le fantastique, l’horrifique, l’atmosphérique, le mystérieux. Il y a bien un peu de tout ça, ici, mais l’ensemble reste uniquement porté par la force du dessin. De ce coté, rien à dire. L’artiste livre un travail somptueux, quasi auto-suffisant au regard du peu de texte employé : le choix des couleurs et l’utilisation des contrastes sont judicieux, les cadrages travaillés (tout plein de chouettes gros plans), les compositions des planches variées… Le tout à la baguette d’un esthétisme soigné, à la fois porteur de l’univers et du rythme lent, oppressant de la narration. A l’inverse, on oubliera rapidement l’histoire en elle-même, absolument pas convaincu par cette semi intrigue, ce faux suspens organisé autour du personnage central. Les réponses fournies en conclusion, si elles mettent un terme à la confusion entretenue tout au long de l’ouvrage par l’entrelacs des événements passé-présent, ne provoquent qu’une amorce d’intérêt. C’est pourquoi, il faut d’abord et surtout considérer Sheol comme un album « instillateur » d’atmosphère : capable, via un graphisme travaillé, de nous emmener où n’aurions jamais imaginé aller.