L'histoire :
Bien des années après le crash du Victoria III sur une planète habitable par les humains, les colons survivants continuent de reconstruire une ville champignon au pied de la carcasse du gigantesque vaisseau, sous la houlette du despotique maire Huges. Néanmoins, la technologie humaine est régulièrement perturbée par des champs magnétiques inexpliqués, provenant d’une étrange matière métallique bleue. Ce matérieux indestructible se retrouve par endroit sous des formes géométriques incroyables, et incite Elise à la croire issue d’une technologie très avancée. La jeune femme a quitté la communauté humaine pour fonder une famille en compagnie de l’autochtone Aetios, avec lequel elle a eu un fils mutant, Melvin. Celui-ci semble entretenir une relation privilégiée avec la matière bleue, qu’il parvient par moment à « dompter ». Cependant, les humains commencent à trouver des parades aux dérèglements magnétiques, en utilisant le métal bleu lui-même au sein de leurs engins. Pour en récupérer, ils font commerce avec les indigènes ; et ces petits arrangements à la frontière de l’exploitation suscitent des dissensions chez les chefs autochtones. Certains apprécient les bienfaits de la technologie humaine, lorsque d’autres redoutent l’irréversibilité de leur allégeance…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après l’aventure Azur, plutôt destinée à un public enfant-ado, Philippe Ogaki poursuit une vaste et ambitieuse œuvre de science-fiction, Terra Prime. Où, dans un futur assez lointain, il est question de la colonisation d’une autre planète par un expansionnisme humain déraisonné… soit une échappatoire d’avenir classique, située entre le redouté et le fantasmé. Dans le tome 1, déjà d’une belle densité, le lecteur était présenté aux héros, aux mouvances « politiques » contradictoires, à une grande catastrophe et aux premières années de ladite colonisation. Waoh. Déjà une bonne dose d’évènements, de frissons et de questions existentielles. Un gros bémol se réitère dans ce second volet, de la même richesse narrative : le manichéisme des personnages et de leurs décisions. Par exemple, le maire est vraiment un impérialiste bourrin tendance facho, et les tentatives visant à expliquer cet état d’âme ressemblent à des justifications artificielles désespérées. Cette psychologie de personnages réductrice s’applique aussi à la trop gentille Elise, aux enfants innocents, aux raisonnements archaïques des indigènes… et décrédibilisent hélas les bonnes intentions de fond de la série. Un autre écueil induit se situe dans le verbeux des dialogues : de nombreux palabres peinent à trouver la synthèse et frayent avec le soporifique… Qu’il est dommage de perdre le lecteur en si bon chemin ! Car au gré de son aventure science-fictionnesque, Ogaki distille des notions sociales et philosophiques qui font sens. Par exemple, sur les processus de civilisation et d’intégration forcée, sur le besoin de certains à se rassurer par la religion… Sur l’arbre des possibles devant lequel se trouve notre humanité, en toute simplicitude. Notons aussi et surtout que le dessin fait la part-belle aux décors sauvages ou technologiques… sur 95 planches, soit plus du double d’un album de BD classique, réalisées à chaque fois dans des délais relativement restreints. Quel boulot !