L'histoire :
Sur un petit ferry, Pierre effectue une traversée vers l’île d’Enez-Neizh, une petite île bretonne éloignée du continent. C’est là que travaille son amie Catherine, en tant qu’ornithologue, et qu’il retrouve pour une journée entière. Fin heureux de la serrer dans ses bras sur le quai, il est toutefois déçu par ce qu’elle lui annonce : une réunion imprévue obligera Catherine à travailler l’après-midi. Pierre devra donc se livrer à un tourist-tour en solitaire… Qu’importe, Pierre prend la vie comme elle vient, avec dérision. Après un petit tour en ville, où Pierre prend la mesure de l’isolement rural des insulaires, ils filent tous deux à l’appartement de Catherine, pour leurs ébats tant attendus. Le midi, à table dans la pension de famille, Pierre découvre que certaines tensions divisent les habitants d’Enez-Neizh, notamment entre agriculteurs et pêcheurs. Après une brève promenade digestive aux abords d’un rocher couvert de fous de bassan, Catherine abandonne Pierre. Par une météo nuageuse et venteuse, Pierre fait alors des rencontres diverses qui lui en apprend un peu sur les mentalités des insulaires et beaucoup sur lui-même…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ne cherchez pas dans le dico : l’île bretonne d’Enez-Neizh n’existe pas. Elle pourrait pourtant bien être une jumelle de l’île d’Ouessant, paradis sauvage des ornithologues. C’est ce cadre hors norme et hors du temps que Philippe Squarzoni a choisi, pour faire vivre à un trentenaire ordinaire un moment de réflexion sur lui-même. Pierre y accumule des rencontres hétérogènes, qui l’amèneront au grès d’une demi-journée maussade et interminable, à prendre conscience de certaines choses sur sa vie. Entre chacune, Squarzoni lui ménage des moments de contemplation, totalement muets, comme pour inciter à la méditation. Le découpage hyper régulier de 6 cases par planche, ainsi que la bichromie sépia, renforcent encore l’atmosphère lénifiante et la sensation d’intériorisation, un zest surannées. Judicieusement inscrit au sein de la collection Mirage, l’album est surtout entièrement réalisé sur un style graphique très proche de la photographie. On a même parfois le vague sentiment d’apercevoir encore, en arrière plan, le flou des photos d’où sont tirées les cases. Chronique du temps qui passe, bilan de vie, virage existentiel… Cet Après-midi un peu couvert réunit un peu toutes ces thématiques, en focalisant plus sensiblement sur le syndrome de Peter Pan (celui qui empêche les jeunes gens de prendre leur envol dans la vie adulte, de « couper le cordon »). Un one-shot intemporel, loin de l’engagement politique des précédentes œuvres de Squarzoni…