L'histoire :
Jean exerce un drôle de métier, en tout cas aux yeux de sa mère, puisqu'il enchaîne les missions d'accompagnement de personnes handicapées lors de leurs séjours en vacances. Il n'a pas spécialement été formé pour cela, mais il ne se voit pas enchaîner des journées routinière dans un boulot normal. Il apprend sans trop être surpris comment sont classées les hommes et femmes dont il s'occupe : une lettre de A à D pour la mobilité, un chiffre de 1 à 4 pour le langage. De A1 à D4, il emmène tous ces adultes pour un séjour de 3 semaines dans un hôtel ou ils côtoient des touristes. Une première surprise pour Jean, et première leçon d'une certaine manière, lorsque c'est le patron de l'hôtel qui lui affirme que les handicapés sont des personnes comme les autres, et qu'ils n'ont pas à avoir un bâtiment séparé. Les séjours vont alors se succéder, au cours desquels le jeune homme va découvrir chez ceux qu'il appelle ses vacanciers, des réminiscences de leur passé, des fulgurances imprévues ou des moments de grande déception. Il va apprendre à tout gérer, des sorties au ciné, à la sexualité de ces hommes et femmes, qui demande elle aussi un vrai sens de l'organisation. Sans oublier ses collègues qui, parfois, le font douter de son propre métier. Heureusement, il croise Clara, une animatrice efficace, attentionnée, dont il se sent proche et sur qui il peut compter.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le Cil Vert est un drôle de pseudo d'auteur, qui choisit de nous raconter un drôle de métier, en parsemant son album d'anecdotes qui sonnent très juste. On suit avec plaisir le parcours de ces adultes aux handicaps légers ou parfois plus lourds, surpris par les instants de joie, d'échange, ou les grosses boulettes qui sont mises en scène sans moquerie. Le Cil Vert a probablement réellement vécu cette expérience, car il porte sur ses « vacanciers » un regard très direct, factuel et proche, n'oubliant jamais de révéler ses propres limites face à un boulot incroyablement exigeant. Mais il le fait avec légèreté, ne portant aucun jugement sauf sur lui-même, et ses collègues parfois bizarres. Et ne manque pas de pointer le rôle parfois trouble qu'exercent les médicaments que ces hommes et femmes ingèrent, et qui régulent parfois très fortement leurs comportements. Evidemment, son style est celui de l'autobiographie gentiment humoristique, portée par un dessin très simple, avec toutefois quelques trouvailles de mise en scène, notamment lorsque sa propre maman le rabaisse en critiquant son manque d'ambition. A travers trois séjours, trois groupes différents et plus de 120 pages, on apprécie cette plongée dans un milieu finalement assez secret dont l'auteur nous dévoile des aspects banals mais souvent inconnus du grand-public. En reliant son expérience au fil d'Ariane que constitue dans l'album la vie de Camille Claudel, il sous-entend en permanence le potentiel caché de certains de ses compagnons de voyage. Un hommage latent plutôt touchant, et une expérience de lecture originale, enrichissante et drôle.