L'histoire :
Deux hommes discutent du scénario de leur prochain film. Ils envisagent une reconstitution de New York en 1978, avec des scènes de foules, la mafia, des flics corrompus, un super flic en guise de héros… Et puis non, finalement, ça va clairement être trop cher. Il reprennent tout à zéro. Ça va se passer dans un quartier résidentiel du petit village Saint-Pierre-en-Jouy-sur-le-Chat, où il y a un marché rural, un bistrot, un musée de la peluche de nombril et un électorat favorable au Front National. Le héros s’appelle Baptiste et afin que le lecteur fasse bien connaissance avec lui dans le flux de la narration, il se lance dans un soliloque auto-descriptif lorsqu’il achète sa baguette de pain à la boulangère (qui s’en fiche grave). Il avoue, entre autre, qu’il est un fan inconditionnel de Pascal Obispo et qu’il se rend à un entretien d’embauche. Mais avant cet entretien, un flashback dans un bistrot avec une amie, permet encore à Baptiste de révéler qu’il a des relations compliquées avec sa sœur, mais que ça va mieux depuis qu’il l’a invitée pour dîner un gratin dauphinois (qui était très réussi). Puis retour à l’entretien d’embauche. Baptiste postulé pour être vendeur dans un magasin de chaussures. La DRH lui demande son pire défaut… Baptiste révèle qu’il adore la musique brésilienne. Ouf, il est embauché. Et déjà, le voilà confronté à son premier client. Il lui fait essayer des chaussures, puis au moment du paiement, il fait connaissance avec sa femme… qui se prénomme Hélèna… et pour qui il a un coup de foudre… réciproque.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire d’une BD qui raconte l’histoire d’un film, qui raconte comment il faut s’y prendre pour fabriquer une bonne comédie romantique française . Évidemment, Yann Rambaud se livre ici à un exercice ultimement parodique, qui s’évertue à brasser les clichés et à décrypter les astuces – grossières ou finaudes – utilisées par les réalisateurs et les auteurs pour alpaguer le spectateur, dans le registre de la bluette contemporaine. Ainsi, à la suite d’un héros ordinaire prénommé Baptiste, l’ouvrage dénonce par exemple le « triangle amoureux » qui n’a rien d’une structure équitable et réciproque. Il apprend encore ce qu’est une ellipse, le procédé de la présentation des protagonistes dans le flux narratif, la technique des fonds verts, les contraintes budgétaires qui président aux choix des développements, la composition des arrières-plans métaphoriques… et aussi le principe dit du « fusil de Tchekhov », qu’on vous laissera découvrir. Le caractère auto-parodique est tout à la fois fendard et didactique, à grands renforts de « pauses » sur l’action, le temps de réviser au mieux la suite de l’histoire. Rambaud convoque aussi régulièrement des figures de la pop culture pour illustrer une vanne : Dark’Vador, Pifou, Jean-Pierre Daroussin ou des scènes cultes des films de Spielberg. Avec sa capacité d’autodérision et ses digressions foutraques, l’humour pratiqué est fort drôle, ce qui compense la partition visuelle sans grand intérêt, façon réalisme suggéré et impersonnel, proche de la technique minimaliste de Fabcaro.