L'histoire :
Will Jones avait le sentiment d’être heureux dans cette société idyllique. Un bon job à l’académie historique, une vie sociale épanouie, une « babe » aimante, jolie et serviable à domicile, un jeu virtuel pour se délasser le soir. Et puis il a eu le malheur d’ouvrir… un livre ! Les livres, objets de perversion, sont formellement interdits par le Nett. Mais la jeune femme qui lui a fourni, prénommée Bleue, l’a fortement troublé, puis séduit… et puis ils ont « joué » ensemble. Il ne pouvait pas résister. Or à partir de ce moment, il est devenu un renégat. En lisant des livres en cachette, qui lui donnaient un autre prisme, une prise de recul critique sur la société dans laquelle il vivait, il est devenu une cible pour les nettoyeurs. C’est ainsi qu’un beau jour, il est intercepté par le groupe d’intervention de son meilleur ami, Nigel. La cure de reprogrammation s’impose pour lui. Or a peine est-il neutralisé, qu’un mouvement de libération l’évade ! Les individus cagoulés l’exfiltrent et lui placent un brouilleur pour son implant cérébral. Will voit pour la première fois le monde sans filtre, tel qu’il est, avec des bâtiments vétustes, sales, dégradés. Il n’a pas le temps de comprendre ce qui lui arrive, chez l’antiquaire où on le conduit, qu’il doit déjà s’enfuir par les égouts.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette société utopique mais aseptisée, qui donne l’illusion du bonheur, du pain et des jeux, afin de mieux nous asservir à son profit, est un classique de l’anticipation. C’est même un classique de la politique pour les libertaires ou les anarchistes. Les romans 1984 (George Orwell) ou Un bonheur insoutenable (Ira Levin) ont pas mal fait le tour de la question... mais on n’a rien contre une variante réinventée de la part du scénariste Rodolphe et du dessinateur Griffo. Ce dernier avait jadis déjà pas mal frayé avec la thématique à travers son SOS Bonheur, aux côtés de Jean Van Hamme. Dans ce deuxième opus, sur trois prévus, on retrouve donc notre ingénu héros là où nous l’avions laissé : en train de se faire toper pour avoir triché et avoir perverti le « système ». Pensez donc : ce grand couillon a osé lire des livres ! On assiste dès lors à une succession de traques et de séances de reprogrammation psychique, des séquences à haute tensions dans des univers oniriques, des souvenirs fabriqués, qui brouillent les pistes quant à la réelle réalité (sic). On retrouve bien là les marottes de Rodolphe, qui aime rien tant qu’à nous embobiner et nous perdre… pour nous rattraper au dernier moment par le colbac. C’est un classique, mais c’est tout à fait prenant, intriguant et terriblement symbolique de la numérisation actuelle de nos vies.