L'histoire :
William est scénariste professionnel et il explique son métier au lecteur. En gilet-cravate, pipe à la bouche, bien peigné avec la raie sur le côté, il nous accueille chez lui, en toute simplicité, avec beaucoup de naturel. Il explique que jusqu’à ses 30 ans, il a fait beaucoup d’heroïc-fantasy, avec des orcs et des guerrières dévêtues, mais que maintenant, c’est fini. Enfin, depuis qu’il a 31 ans, il a mûri, quoi. Sûr de lui et de son talent, il explique que tout part d’une note d’intention. Par exemple : un gamin des favelas découvre qu’il est le dernier héritier des Kennedy ; à la suite d’un bug informatique, il est propulsé directeur de la CIA et le voilà poursuivi par une horde de parachutistes ninjas qui veulent sa peau ; pour donner une couleur politique, il couche avec la femme du président des USA. Voilà, c’est ça l’inspiration. Parfois son éditeur l’appelle aussi pour lui demander de produire un travail sur commande. Généralement on lui demande de faire du grand-public, du passe-partout consensuel, du médiocre bien lisse, qui n’effraie pas la ménagère, une écriture sans prétention et pas terrible. Et William est le nom idéal pour ce genre de chose…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre faux reportage et recueil de strips, James nous explique le formidable métier de scénariste (de bande dessinée). Le directeur de la collection Pataquès s’auto-édite et prouve qu’il sait dessiner de manière autrement plus réaliste que ses traditionnels personnages zoomorphiques. En revanche, ce qui ne change pas, c’est l’axe caustique et sa capacité à l’autodérision. Son personnage de scénariste est un peu prétention, boursouflé d’ego, misogyne, persuadé d’être arrivé au sommet de son art. En fil rouge, il explique en toute simplicité qu’il est capable d’écraser la concurrence s’il en a envie, mais qu’il ne le fait pas, parce qu’il n’est pas comme ça, William. James varie les situations, comme autant de dimensions du métier (face à l’éditeur, au public, à l’inspiration, à sa mère, à son dessinateur…) mais peu les décors, volontairement tristes comme un bureau sans âme et complétés d’une colorisation terne de 2-3 aplats maxi. Parfois, il change de registre graphique et délivre des strips plus courts (horizontaux) façon Peanuts, avec des personnages plus caricaturaux à grosses têtes. Surtout, James place régulièrement son lecteur dans la peau d’un journaliste imaginaire en reportage, qui s’adresse parfois à William dans des encadrés narratifs. Il joue ainsi avec la mise en abyme et implique le lecteur à la propre inspiration.