L'histoire :
La France de 1968 est prospère, créative et conquérante, un modèle dans le monde entier. Chacun a sa place dans cette société florissante. Renée est un des maillons de cette chaîne bien huilée. Elle fabrique des piles dans les usines Wonder, sous l’autorité du chefaillon Bidaud. Son amie Jeanine, du genre syndiquée et rebelle, s’en prend ouvertement à lui au sujet des conditions de travail inadmissibles et des salaires rikiki. Devant l’insolence de la jeune femme, il menace de lui raboter sérieusement sa paie. Renée intervient avant que ça ne dégénère davantage. Le petit chef souligne la sagesse de cette dernière, mais ça ne sauvera pas la prime de la Jeanine. Michel, un collègue des jeunes femmes, a jeté son dévolu sur la jolie et réservée Renée. Il l’invite à la fête de la rosière. Elle accepte avec les yeux qui brillent. Le soir, de retour chez sa logeuse madame Boudard, Renée file aussitôt à la douche se débarrasser de la poudre noire amassée au cours de la journée sur la chaîne de montage, puis elle s’écoute Comme un garçon de Sylvie Vartan…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Wonder, que l’on prononce « vondère » comme la pile « qui ne s’use que si l’on s’en sert », retrace le parcours d’une jeune ouvrière pendant la petite révolution que fut mai 68. Quand le peuple gronde, harassé par les cadences infernales imposées par l’industrie florissante, il n’attend que la force de la jeunesse pour se soulever. Un vent de nostalgie souffle sur le scénario de François Bégaudeau qui, le temps d’un album, refait le tour de la question idéologique de ce moment, qui faillit être clef dans l’histoire de France. C’est bien construit, empreint de sensibilité et à la fois sans concession, lucide sur les hommes. Sans long discours, les idées fusent, les silences en disent long, portés par le trait rapide et efficace d’Elodie Durand. L’artiste transmet beaucoup d’émotion, sans fioritures, avec un dessin précis malgré les apparences. La rencontre est réussie, riche de féminité, comme l’annonce la couverture graphique et très rouge. Du rouge qui revient en incursion au gré des planches en noir et blanc. Et seulement, à la fin de l’histoire, arrivent les couleurs pour une conclusion ouverte sur la nécessité d’être libre.