L'histoire :
Bruno Latour nous a quittés en 2022. L’éminent philosophe, sociologue et anthropologue, a laissé derrière lui une œuvre colossale qui a inspiré toute une génération d’intellectuels et d’écologistes. A l’origine du concept de « nouveau régime climatique », Bruno Latour érige le terrestre comme nouvel acteur de la politique contemporaine qui ne devrait désormais plus être uniquement régi par et pour les humains, car l’universelle condition humaine, c’est de sentir le sol trembler. On suit ici les réflexions d’une femme qui se pose la question de la place de l’humain, de sa responsabilité dans ce monde qui court, tête baissée, à son extermination. Mais elle questionne notre responsabilité à tous, société à la fois bourreau de la nature et future victime de cette même nature vengeresse. Puis vient la crise du Covid qui, au-delà de son impact funeste sur nos sociétés, fut révélateur d’une crise autant du capitalisme dans son fonctionnement inégalitaire, que de ses conséquences sur le vivant.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne présente plus Philippe Squarzoni depuis Saison Brune, roman graphique incontournable qui expose les grands enjeux du dérèglement climatique à travers les voix telles que Jancovici, Jouzel, Gemene et toute la clique des Avengers du climat que l’on connaît aujourd’hui. Zone Critique est la rencontre poétique du philosophe et du dessinateur qui reprend à son compte les deux essais Où suis-je ? et Où atterrir ? pour en faire une œuvre graphique autant visuellement somptueuse qu’irrémédiablement ennuyeuse. Comment traiter encore de la catastrophe écologique sans dire et redire tout ce qui a déjà été dit ? Peut-être que les métaphores absconses de Bruno Latour (la termitière pour évoquer l’enfermement carcéral du confinement) et l’univers onirique (ou cauchemardesque, c’est selon) de Squarzoni apportent un regard nouveau teinté de poésie, de désespoir… mais que nous apprend-il réellement ? À qui est censé s’adresser cette œuvre ? Nous mettons au défi quiconque de ne pas voir ce livre lui tomber des mains tant il est nébuleux. Les textes semblent dénués de toute forme de réalité tangible, n’effleurant jamais un discours concret. Les phrases se succèdent dans une caricature existentielle au sens tantôt impalpable « Où suis-je donc ? Dans et par et en partie grâce à ma coquille. Le cadre inanimé et celui qui l’anime, c’est tout un » tantôt manichéen, voire carrément nunuche. Les poncifs se tiennent la main. Difficile de jeter l’opprobre sur le travail de Squarzoni qui ne fait que se reposer sur les deux essais du philosophe en les illustrant de son trait maîtrisé dans des planches souvent superbes. Malheureusement, Zone critique démontre que l’addition de deux talents ne font pas forcement une grande œuvre.