L'histoire :
Nivek, douze ans, et son copain Joseph, s'échinent dans les mines du Kivu, au Congo, avec d'autres pauvres hères, sous la surveillance de soldats Kadogos. Cette milice criminelle ignoble et sauvage est au service de chefs et d'élus locaux compromis, recevant quelque pourcentage sur l'exploitation par des sociétés sans morale. Suite à un accident, pour éviter l'exécution de son ami qui l'a sauvé, Nivek est enrôlé de force au sein de la milice. Ensemble, ils parcourent la région en bande destructrice afin d'assurer sa domination. La première expérience et mission de la jeune recrue sera d'exécuter toute sa famille. Un baptême du feu. L'enfer ne fait, cela dit, que commencer, même si sa fuite au cœur de l'Afrique vers les rivages de la Méditerranée apportera son lot d'expériences, inoubliables...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Congo », premier des sept chapitres, de plus en plus courts, s'ouvre sur le noir. Noir de la terre, du sous-sol de la mine, où l'on cherche Nivek enseveli. Son sauvetage résonne comme une seconde naissance. Et pourtant, celui-ci va être le début d'un destin tracé dans la violence, le dégoût, la rage, l'espoir, puis la tristesse infinie. Antonio Altarriba s'est documenté de manière impressionnante pour nous conter le périple de ce jeune adolescent, dont il nous montre les étapes progressives jusqu'à son statut de migrant malvenu en Europe. Le Congo nous est montré sous un angle tellement noir qu'on a envie de fuir avec Nivek très loin, même si quelques lueurs d’espoir apparaissent au détour du chemin. La jungle, malgré sa densité et sa dangerosité, ouvre ses frondaisons, accueillant le duo telle une mère bienveillante, révélant l’importance des traditions séculaires. Une belle leçon de vie, préparant la suite, dans la savane, puis le désert, où la magie, les croyances, les ambitions politiques et l’appât du gain seront une autre leçon à laquelle goûtera amèrement le jeune Nivek. L'esclavage étant l'une des dernières expériences donnant à la Lybie traversée une coloration toute nauséabonde. Que dire, sinon que l'on referme ce sublime roman graphique avec un sentiment certain de culpabilité, mélangé à un fort questionnement : qui sommes-nous, petits européens nantis, pour juger celles et ceux que le destin a poussé sur nos rivages ? Le ciel est sans doute dans nos têtes, mais la terre s’est asséchée, tout comme beaucoup de cœurs. Une œuvre magistrale, interprétée par un Sergio Garcia Sanchez au dessin géométrique, ample et libre, très inspiré, que les couleurs de Lola Moral mettent particulièrement en valeur.