L'histoire :
La compagnie des Salins du midi (CSM) à Aigues Mortes a besoin de beaucoup de main d’œuvre pour charrier, transporter et stocker le sel. Du fait de la rudesse du travail, les salins n’attirent plus beaucoup de main-d’œuvre locale. Au vu de la crise économique que connaît l’Europe, la saison 1893 a attiré beaucoup d’ouvriers. Ces derniers peuvent être classés en trois catégories. Les ardéchois qui descendent des Cévennes pour trouver un complément de revenu. Les piémontais, des italiens venus du Nord de la botte n’ayant pas peur de la basse besogne et enfin les trimards qui sont des chômeurs, vagabonds, colporteurs sans grandes qualifications. De ces trois catégories, seuls les Ardéchois étaient acceptés par les habitants de la petite ville fortifiée. Il était hors de question pour une fille d’Aigues Mortes de fréquenter un trimard et encore moins un piémontais. Cependant, Mathilde, la fille de l’épicier et Amandine, la nièce de l’aubergiste, sont tombées sous le charme respectivement de Vittorio et Giovanni. Raymond, le trimard, se fait éconduire par Mathilde et se fait défier le même jour par Vittorio. La simple escarmouche aux salins est montée en épingle par les trimards au village. La surenchère et le qu’en-dira-t-on font prendre les armes aux villageois qui sont persuadés que les « ritals » ont dézingué au couteau un type du coin. Les trimards accompagnés des villageois se dirigent vers le salin de Peccais pour en découdre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les auteurs Patrice Bavoillot (scénariste) et Sebastien Gannant (dessinateur) mettent un coup de projecteur sur les événements de 1893 qui ont conduit au massacre de travailleurs Italiens et qui fut avec l’affaire Dreyfus l’un des plus grands scandales judicaires de la fin du XIXème siècle. Revenons sur le contexte. L’essor industriel, les crises économiques et les guerres sont les principales causes ou raisons de l’immigration, du moins à la moitié du XIXème siècle. La révolution industrielle encourage l’immigration en majorité belge et piémontaise. L’élan nationaliste de la fin du XIXème siècle voit se développer des ligues d’extrême droite. C’est dans ce cadre que se déroulent les tragiques événements d’Aigues Mortes. Patrice Bavoillot annonce d’entrée la couleur : cet album est une fiction basée sur un fait réel. Outre les histoires de cœur de Mathilde et Amandine, la trame générale des événements est respectée, parfois légèrement remaniée pour servir le récit. Le fil conducteur des événements est très simple à suivre et le récit est mené tambour battant une fois traque commencée. L’auteur joue un peu sur les figures de style comme le flashback et la méthode de récit déductive pour apporter un peu de suspens au récit et c’est finement fait. La partition graphique est réalisée par Sébastien Gannant qui livre ici son premier album comme co-auteur. Ses deux précédents albums, L’hérétique et Le roi du lys, parus tous deux chez Des Bulles dans l'Océan, ont été réalisés en auteur complet. Avec un trait plutôt réaliste et détaillé, l’auteur réussit à immerger le lecteur dans cette petite ville fortifiée du bord de mer à la fin du XIXème siècle. Ainsi les auteurs font découvrir ou redécouvrir un évènement tragique causé en partie par la montée du nationalisme, la peur de l’étranger et la crise financière. Le nombre de morts n’est pas connu précisément : entre 8 officiellement et 150 ! Et les assassins ont été relâchés car la justice a prononcé un acquittement général...