L'histoire :
Un beau jour, dans les environs de Groconfoles en pays de Bouzie, alors qu’elle allait nourrir les lapins, Friginette est la proie de violents maux d’estomac. Quelques secondes plus tard, elle accouche de Bernard, qu’elle prénomme comme son chien. Elle le cachera à la société toute son enfance et l’écrasera de son autoritarisme ultime. Analphabète, simple d’esprit, naïf, Bernard grandira à la ferme, avec pour grande mission quotidienne d’aller chercher les moutons. Une conviction est cependant ancrée chaque jour dans sa petite tête : plus tard, il sera président. Un jour, Friginette l’informe que s’il lui arrivait quelque chose à elle, il devra aller chez sa Tatie Javel qui habite à Paris sur Amazone. Elle est une saloperie de communiste, mais vaut mieux ça que d’être enlevé par des extraterrestres. Ça ne manque pas, alors qu’elle était partie chasser les escargots, Friginette se vautre dans la gadoue, se marche sur un sein et s’assomme durablement dans un coin paumé de campagne. Ne voyant plus sa mère, le neurone de Bernard ne fait qu’une connexion : encore un coup des extraterrestres. Il part chez Tatie Javel. Javel l’accueille comme un débile profond qu’il est. Elle hallucine qu’il revendique fièrement vouloir être président et espère qu’il va vite trouver un emploi ou une raison de se casser. Elle est loin de se douter que le mécanisme infernal qui allait aboutir à la prophétie présidentielle allait s’enclencher dès le lendemain, lors d’un micro-trottoir organisé par l’émission très populaire de Cyril Anounou…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nimbus a encore frappé ! Après l’histoire foutraque de l’homme à trois jambes (un membre surnuméraire qui est, en fait, de la pâte à pizza), l’auteur réunionnais-angoumoisin récidive en mettant en BD « l’histoire délirante d’un con parti de rien pour arriver au néant ». Toujours aussi gravement déjanté (voir résumé), et souvent hilarant en raison de ses rebondissements à la fois imprévus, cyniques et impertinents, son récit acquiert cependant de réels accents de diatribe sociale, cette fois. Par le truchement d’un dessin stylisé basique, un peu crade et bichromique, il met en scène un anti-héros idiot utile, prénommé Bernard. Par son biais, Nimbus balance de véritables skuds contre l’appétit des masses-médias pour la vacuité intellectuelle, ou contre la propension des électeurs à toujours choisir le pire. Ici, la bêtise pure est érigée en art ultime, vénérée, exemplaire, à croissance géométrique. Grace à l’émission de Cyril Anounou (c’est bizarre comme ce nom m’évoque quelqu’un de connu), au talent de l’info en continue pour insister sur le futile, à la viralité des réseaux sociaux les plus nauséabonds, notre civilisation fonce droit dans le mur en klaxonnant. Notamment, l’application « Bernard thinks for you » répond aux grandes questions des gens en balançant des infos absurdes et fabriquées de toutes pièces, comme autant de vérités prémâchées : un bijou de satire, finalement très proche de la réalité. La grande morale de l’histoire est que, évidemment, cela se termine mal…