L'histoire :
Berlin Ouest, 1981. Otto arrive dans la capitale allemande coupée en deux. Il commence par acheter des meubles : un lit, une table, deux chaises et un frigo. Il s’inscrit à la Fac, en sciences politiques et en anthropologie. Il remplit des papiers pour obtenir son permis taxi chez Taxikollektiv. Il fréquente les rades du Heinrichplatz pour se fondre dans le décor. Il se politise en participant à des manifestations sur la légalisation des squats. Il s’en donne à cœur joie, tape sur les forces de l’ordre et finit en garde à vue. Visiblement, Otto est sur la trace d’un mystérieux individu… Martin Heerleut débarque en République Démocratique Allemande, à bord d’un bateau Ferry, le Warnemunde. Il prend le train pour Friedrichstrasse. Dernier arrêt avant Berlin-Ouest, passage par un débriefing des services secrets de Berlin-Est. Il entre dans Berlin-Ouest et renoue avec ses anciennes connaissances du milieu contestataire de gauche. Philipp, Hannes, Katharina et Walpurga sont étonnés de le voir se pointer. Philipp l'éclaire des dernières infos sur leur groupe. Martin dévoile ses intentions : il est là pour leur donner un coup de main dans leur lutte, mais aussi régler quelques comptes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les années 70-80 ont été une période politique trouble, en Allemagne de l’Ouest. De nombreux mouvements terroristes d’extrême gauche (comme la Fraction de l’Armée Rouge ou la Bande à Baader) dénonçaient l’impérialisme américain, le capitalisme, les sandinistes… et organisaient des attentats, des braquages, des kidnappings. Moscou les soutenait, de bonne guerre, pour maintenir une pression sur l’Ouest. Rarement évoquée dans la BD, cette période est l’occasion pour Jörg Ulbert de livrer un premier scénario solide et efficace. Construite en 8 chapitres, cette histoire suit en parralèle deux destins qui vont forcément se télescoper. Jörg Ulbert nous replonge dans l’ambiance de l’époque : la vie estudiantine, les bars alternatifs, les squats et la musique (en fin d’album, on retrouve une playlist à écouter tout en lisant). Il retranscrit avec précision cette atmosphère de fin de règne des mouvements d’extrême-gauche, dont les revendications s’étiolent (La Bande à Baader a été dissoute en 1977). On se situe au crépuscule d’un monde avant l’arrivée d’un nouveau : la chute du mur de Berlin interviendra en 1989. Comme un symbole, Martin cherche ici à faire un dernier coup avant de se faire la malle. Il dévoile aussi la méthode utilisée par la police ouest-allemande pour retrouver la trace des terroristes : le théorème de Karinthy. Selon cet illustre hongrois, chaque individu sur Terre serait relié à un autre par une chaîne de connaissances personnelles composée de cinq maillons. Un théorème qui permit d’arrêter bon nombre de groupes tapis dans la clandestinité. Le dessin de Jörg Mailliet est à la hauteur du scénario, avec un sens de la narration graphique affirmé. Ses scènes de manif’ avec bastons comme ses décors berlinois sont remarquablement bien restitués. Il est juste un peu dommage que les personnages ne soient pas toujours identifiables. Le résultat global reste, malgré tout, fort intéressant et réussit à faire revivre une époque si lointaine et si proche…