L'histoire :
Années 80. Mlle Malingrey discute autour d’un thé avec ses anciennes élèves, du temps où elle enseignait dans le lycée Jean de la Fontaine à Paris et à Janson de Sailly. Elle a quelque chose d’important à leur montrer et sort alors un cartable de ses affaires personnelles. Il a appartenu à la plus brillante de ses élèves, Louise Pikovsky, adolescente israélite, durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a voulu la protéger sans y parvenir, à son plus grand regret. Louise partira avec sa famille vers Auschwitz, pour ne pas en revenir. Aussi, pour le cinquantenaire du lycée, Mlle Malingrey souhaite parler de cet établissement pendant la guerre et rendre ainsi un hommage à Louise afin de graver son histoire. Elle évoque donc ses souvenirs et leur correspondance estivale en 1942. Louise était blonde avec de grands yeux bleus qui brillaient comme des étoiles. Dans sa première lettre, elle écrit que son père est alors enfermé à Drancy, centre d’internement et de transit. Louise et sa famille ne savent pas pourquoi il a été arrêté. De sa fine plume mature pour son âge, elle rédigera : « […] je suis sure que nous pouvons apprécier le bonheur qu’après avoir souffert, mais est-ce que la souffrance a des arrêts ? Je finis par en douter […] ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout commence par un documentaire réalisé par Stéphanie Trouillard, journaliste pour France 24 : elle retrace le réel parcours de Louise Pikovky, adolescente durant l’occupation, qui suit sa scolarité au lycée Jean de la fontaine dans le XVIème arrondissement de Paris. Cette reconstitution de sa courte vie a été possible d’abord en retrouvant par hasard les lettres qu’elle a échangées avec son professeur de latin-grec, Mlle Malingrey. Elle a conservé précieusement cette correspondance durant des années, jusqu’à rendre publique leur existence lors des 50 ans de l’établissement qu’elles ont fréquenté durant la seconde Guerre Mondiale et les confiera au lycée en sa mémoire… Elles resteront cependant dans un placard jusqu’en 2010, période où elles seront retrouvées lors d’un grand nettoyage par Christine Lerch, qui passera ensuite le relais à Khalida Hatchy. Des lettres rédigées avec une fine plume pour une jeune lycéenne, mature, brillante à l’avenir prometteur... Malheureusement, il n'en sera rien. Elle et sa famille seront déportées à Drancy puis vers Auschwitz par le convoi 67, camp d’où ils ne reviendront pas, gazés quasiment dès leur arrivée en février 44. Administrativement, la date est estimée au 08/02. Quelques recherches supplémentaires, des témoignages de membres éloignés de la famille restante, de connaissances, d’amis, sont venus, malgré le temps écoulé, étayer cette découverte. De cette bande dessinée, retranscription du documentaire d’une vie dont on ne sait que peu de choses, il faut surtout retenir l’impératif devoir de Mémoire, qui s’inscrit dans le même esprit que Le journal d’Anne Franck. Un devoir de Mémoire envers tous les enfants de confession juive, déportés, qui ne demandaient rien si ce n’est de vivre l’insouciance et l’innocence de leur jeunesse. Un scénario quelque peu romancé pour avoir un fil conducteur, plutôt cohérent, qui montre bien les fondamentaux de la vie de Louise : son amour pour les livres, l’écriture, ses facilités d’apprentissage, son quotidien, la première migration de sa famille polonaise pour fuir les persécutions russes, la naturalisation, puis la dénaturalisation sous le gouvernement de Vichy, le port de l’étoile sur ses vêtements, la relation nouée avec son professeur qui fera tout son possible pour l’aider, les moments de joie et de bonheur avec sa famille immortalisés sur des photos, son arrestation, sa volonté de préserver quelques biens en les confiant in extremis à Mlle Malingrey avant son départ pour Drancy. Et le camp, duquel elle ne sortira que par la cheminée (comme le soulignaient les rescapés eux-mêmes). Accessible à tous, l’intérêt pédagogique est certain. L’intérêt graphique quant à lui, n’est pas majeur. Cette réelle tranche de vie, soulève aussi des interrogations dont la réponse sera propre à chacun : qu’aurions-nous fait à leur place ?… Tant à la place de Mlle Malingrey qui s’en voudra toute sa vie de n’avoir pu sauver Louise, en insistant davantage. Tant à la place de cette famille qui a considéré qu’une promesse est une promesse, qu’elle doit se tenir, et qu’il faut « rester ensemble quoi qu'il arrive »... preuve que l’union ne fait pas toujours la force dès lors qu’il s’agit de sauver sa peau. L’union fera toutefois leur richesse d’être ensemble du moins un temps, comme ce texte latin que Louise a traduit en classe de 5ème : « un homme ayant perdu ses biens, dont les filles ont été emmenées en esclavage, et qui dit « on ne m’a pas pris ma richesse car ma richesse est en moi » ». Enfin, la lecture sera à compléter avec le webdoc (QR Code) en fin d’ouvrage, approfondissant le thème sous un angle historique plus détaillé.