L'histoire :
Mai 1945. Le Troisième Reich vit ses dernières heures. Wernher Von Braun et ses deux frères n'en sont pas moins impatients de rencontrer un collège de hauts responsables américains. La situation semble pour le moins paradoxale pour un des plus grands chercheurs allemands, concepteur des redoutables missiles V2, mais en réalité, les américains veulent « récupérer » un maximum de cerveaux plutôt que de les voir s'enfuir vers l'URSSS. L'entretien avec les émissaires de la Maison Blanche se passe bien et Wernher obtient presque tout ce qu'il veut : il sélectionnera 100 collaborateurs allemands que le gouvernement américain fera entrer sur le territoire, avec leurs familles, en garantissant l'accès au logement et un emploi. Pour tous. C'est ainsi que l'opération Paperclip est rondement menée. Voici donc l'ex-dignitaire du régime nazi confortablement installé en Alabama, où il va développer les programmes de missiles balistiques US. Depuis son enfance, Wernher est passionné par l'astronomie est c'est très logiquement qu'à la fin des années 50, il travaille pour la NASA. Car la claque Spoutnik a été infligée. La course à l'espace est lancée entre les deux super-puissances et Wernher va contribuer à rattraper le retard. En 1958, sa fusée Juno 1 est choisie au détriment du lanceur pressenti, le Vanguard, qui a démontré ne pas être fiable. Au premier essai, le satellite US propulsé par le lanceur de Von Braun est mis en orbite. Puis il travaille à la fusée Saturn, en lien direct avec le programme Apollo...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Wernher Von Braun est un personnage qui fait partie de l'Histoire. Et on peut le considérer de bien des manières différentes, car il n'est jamais facile de s'abstenir de juger un homme qui fut un nazi. Brillant mathématicien dès son adolescence, il a grandi en même temps qu'Adolf Hitler accédait au pouvoir et ses talents de chercheur l'ont amené à accepter sans aucune hésitation de devenir un SS, car refuser ce qu'Himmler lui-même lui avait proposé aurait sans aucun doute mis à mal le financement de ses travaux. Von Braun, c'est l'archétype du savant pour qui tous les moyens sont bons. Et ce qu'il y a de remarquable dans cette BD, c'est que sa logique d'action a strictement correspondu à celle des plus hautes autorités américaines, une fois qu'elles se sont lancées à la course à l'espace, après avoir « récupéré son cerveau » initialement pour qu'il n'échoit pas aux soviétiques. Ce livre décrit très bien la personnalité de l'allemand, brillant, charismatique et déterminé, tout comme il décrit la stratégie militaire américaine, qui exploita l'énorme capacité de travail du savant. Car sans lui, les States auraient sûrement pris beaucoup de retard, puisqu'il fut celui qui mit au point les meilleurs lanceurs. Le premier satellite américain mis en orbite, c'est sa fusée qui le permit, comme une réponse au Spoutnik de l'URSS, après l'échec cuisant de la fusée Vanguard, produite par la Navy. Dès sa création, Von Braun intégra la NASA, structurant et supervisant le programme Apollo et les fusées Saturn. Avec de nombreux flashbacks en guise de points de repères, un peu comme un retour sur les sources du travail qu'il menait aux USA, Von Braun pose la question du politique et des moyens colossaux mis à disposition de la science, quand il s'agit de s'armer... Robin Walter revient sur les faits et son noir et blanc teinté de gris, à l'encrage épais, est à l'image du savant dont il retrace la vie : tout en nuances, jamais tout blanc ni tout noir... Alors on retiendra l'extrême intelligence de cet homme et sa capacité à comprendre bien au delà des mathématiques, à l'image de cette phrase qu'il prononça en conférence de presse, lorsque des journalistes essayèrent de le coincer avec son passé sulfureux : « Dans la lutte entre le bien et le mal, je m'imagine aujourd’hui du bon côté ». A n'en pas douter, les USA avaient vu juste en le récupérant. Pour ce qui est de la question morale, on vous en laissera juger de par vous-même, à travers ce livre.