L'histoire :
Le monde est en guerre. Un otage est ligoté, cagoulé et finalement égorgé par ses ravisseurs. A l’autre bout de la planète, les individus se livrent à la consommation de masse et se ruent dans les magasins Darfour. Tout est standardisé : les hommes, les paysages, les objets, les animaux… Au même moment, un pays occidental se lance dans une guerre sans merci. Appât du gain, course à l’armement, embrigadement, intérêts financiers et économiques, sont les nerfs de la guerre. Mais le prix à payer, tant pour les victimes que pour les bourreaux, est considérable : conditionnement, tortures, humiliations, intégrisme, fanatisme ponctuent le quotidien de populations aliénées et anesthésiées par l’économie ultra-libérale… Débarrassés de tout scrupule, ne reculant devant aucune atrocité, les acteurs de cette guerre se livrent à la violence la plus radicale pour arriver à leur fin. Un monde ô combien sombre, où l’on préférerait ne pas vivre….
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le monde d’Ivan Brun est violent, sale et corrompu. La première scène ultra-violente, montrant l’égorgement d’un otage, en témoigne. Instincts les plus vils et pulsions destructrices semblent gouverner notre humanité. L’auteur exècre la modernité et nous le fait savoir. Nous ne serions que des marionnettes obéissant au capitalisme le plus sauvage, le libéralisme faisant le lit de notre mort. Ivan Brun, chanteur d’un groupe hardcore underground, déverse ici toute sa rage et sa haine dans des séquences au propos radical. Rien ne nous est épargné sur l’univers de la guerre : tortures, embrigadement, dérives sécuritaires, humiliations, soif inextinguible d’argent, corruption… A travers des pages muettes à la violence radicale et à l’ironie grinçante, les êtres humains, standardisés, sont dessinés sous des traits enfantins qui contrastent avec la violence du discours et des images, pour mieux souligner en quoi toute innocence a disparu. Malheureusement, le propos n’est pas toujours lisible en raison de l’accumulation de signes et de pictogrammes qui alourdissent la narration et ajoutent à la confusion. Alors oui, tout ça est excessif, un brin caricatural et souvent idéologisant. Le regard porté sur la guerre et ses conséquences, un peu monocorde, simpliste, naïf et/ou systématique, pourra agacer ou séduire, c’est selon. Il n’en reste pas moins que la BD ose s’aventurer sur le terrain politique avec pour leitmotiv d’alerter les consciences endormies et de réveiller les masses conditionnées, travaillées par une consommation aliénante. On appréciera aussi la référence à l’une des plus célèbres séquences du cinéma tirée du film d’Eisenstein, Le cuirassée Potemkine. Bref, une BD punk appelant à la révolte et à la résistance, qui a les défauts de ses qualités, mais qui réussit à saisir les dérives post-modernes de sociétés occidentales peut-être en sursis. En cela, elle mérite le détour. (Réservé à un public averti).
