L'histoire :
Dans l’Amérique des années folles, les lois de Jim Crow ont officialisé la ségrégation entre les noirs et les blancs. De jeunes noirs sont recrutés dans les rues pour participer à des combats de boxe. Dans le cadre de « battle royal », cinq jeunes noirs, les yeux bandés, s’affrontent devant un public de blancs. L’un d’entre eux, Jack Arthur Johnson, sort du lot. Sur le plan sportif, c’est un redoutable boxeur et en plus, il se moque des insultes racistes proférées par un public hostile. Alors que la catégorie suprême des poids lourds était réservée aux blancs, il ne pourra pas combattre contre le champion du monde Jim Jeffries, mais contre un de ses outsiders. Malgré un combat mené largement en tête, Johnson va s’effondrer après quelques coups bas de son adversaire. Le public ne s’y méprend pas et le boxeur va bénéficier d’une certaine reconnaissance malgré sa couleur de peau. Johnson compte bien profiter de son nouveau statut, même si les préjugés sur les noirs demeurent omniprésents.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le 23 avril 1916, Jack Arthur Johnson va affronter sur un ring Arthur Cravan. Le premier est un boxeur noir impétueux qui va bousculer la société américaine ségrégationniste. Le second est un dandy blanc, poète dadaïste, coureur de jupons, qui n’aura de cesse de provoquer les esprits bien-pensants. Nine Antico a exploité ce combat historique pour proposer deux biographies atypiques et non exhaustives de ces personnages qui ont marqué le début du XXème siècle par leurs frasques dans une société étriquée et très conservatrice. La première moitié de cet album est consacrée à Jack Johnson ; et après son combat avec Arthur Cravan, la seconde partie du récit est dédiée à la vie décousue de l’écrivain fantasque et boxeur occasionnel. Cette construction en miroir fait l’originalité de cette histoire. La quête de liberté, leur attitude insolente et leur égocentrisme sont les points communs qui caractérisent ces 2 Arthur. Cette BD est l’occasion de se plonger dans une époque où la société se montrait hyper violente avec les gens de couleurs : on a peine à croire qu’il y a moins d’un siècle, aux USA, des couples mixtes étaient menottés et certains des hommes noirs condamnés à de la prison afin d’enrayer « la traite des blanches ». Cravan, quant à lui, devra faire face à des critiques particulièrement virulentes sur ses œuvres mais également sur son mode de vie. La narration est assez déconcertante avec des dialogues teintés de surréalisme : c’est notamment un singe qui relatera certaines étapes de la vie de Cravan. Le dessin de Grégoire Carlé est brut, anguleux. Le choix du noir et blanc avec un trait appuyé donne une dimension expressionniste à ce graphisme un peu déformé. Chaque round du combat entre les 2 Arthur fait l’objet de doubles pages spectaculaires.