L'histoire :
Constantinople, 1921. Jacques Prévert est en Turquie pour faire son service militaire. Il a 21 ans. Sur place, il s’est lié d’amitié avec Marcel Duhamel. Les deux hommes partagent le goût des livres, boivent du raki, se promènent dans la ville. Ils font les 400 coups. Mais bientôt, l’heure du retour en France va sonner. En mars 1921, Prévert revient à Paris où il retrouve Yves Tanguy, un ami rencontré lors des premiers jours du service militaire à Luneville. Les deux compères se retrouvent à préparer les repas dans les cuisines de l’hôtel Wagram. Ils deviennent aussi des habitués de la librairie « La Maison des Amis des Livres », un repaire où l’on croise de jeunes étudiantes, des auteurs comme Paul Valéry, mais aussi des écrivains en herbe comme Breton et Aragon. Ils traînent leurs guêtres à Montparnasse où le champagne coule à flots… Bientôt, Prévert s’établit 54 rue du Château, qui sera un point de rencontre de tous les surréalistes de l’époque, à commencer par Desnos, Artaud, Aragon et Breton !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir réalisé Piscine Molitor racontant une partie de la vie de Boris Vian, le duo d’auteurs bordelais, Bourhis-Cailleaux remet le couvert avec une trilogie consacrée à Jacques Prévert, un touche-à-tout à la fois scénariste (Quai des Brumes, le Roi et l’Oiseau…), écrivain et réalisateur. Ce premier volume s’attache à raconter les années 20 du poète où il rencontre, entre autres, Breton et Aragon. Deux autres volumes évoqueront les décennies suivantes. Bourhis a lu bon nombre de biographies consacrées à Prévert. Mais plutôt que de faire l’adaptation stricto-sensu de l’une d’elles, il a choisi de recréer une ambiance où la poésie et l’humour s’invitent. Il s’attache donc à dresser un portrait sans concession de l’auteur connu pour ses délires alcoolisés et ses jeux de mots en veux-tu en voilà. Pour conter la vie d’un surréaliste, il fallait bien prendre quelques libertés avec les cadres de la BD ! Ici, on ne passe pas d’une case à l’autre comme à l’accoutumée : on évolue au fil de l’histoire et des anecdotes. Bien que l’on soit quelque peu perturbé au début par cet angle d’attaque narratif, au fur et à mesure, on se plaît à suivre les pérégrinations et autres errances créatives. La liberté narrative se conjugue avec une liberté graphique totale. On s’aperçoit vite que Cailleaux s’éclate comme un fou avec des partitions graphiques puissantes. Aucune planche ne ressemble à la précédente, ce qui offre une fraîcheur de lecture permanente. Son trait est débridé, imaginatif. Sans aucune retenue ! On sort de là l’esprit totalement secoué par les délires créatifs de Prévert. On attend avec impatience les années 30 où le poète deviendra le scénariste de Carné, Autant-Lara et Renoir. Tout un programme !